Le 16 juin 2023, porte de Versailles à Paris, des milliers de jeunes hommes trépignent, font la queue et jouent des coudes pour rentrer au Dôme de Paris. Ils veulent rencontrer leur idole. La star arrive sur scène en retard, mais qu’importe, elle est accueillie sous les vivats de Vivatech, les uns lui réclament des câlins, les autres crient : « Elon on t’aime ! »
La foule jette sur son passage des cartes de visite à fin grammage, comme d’autres lanceraient des fleurs ou des sous-vêtements. Nul besoin de show incroyable, de conférence passionnante, Elon Musk s’est contenté de s’asseoir durant 45 minutes dans un fauteuil et de hocher la tête avec un sourire entendu lorsqu’on le présentait comme un génie, un créateur.
À mi-chemin entre la rock star et le gourou, il distillait la bonne parole : l’avenir de l’humanité est sur Mars, et la liberté d’expression c’est important, on ne peut plus rien dire. À peine six mois plus tard, un parterre de jeunes hommes lui réservait le même genre d’accueil, cette fois à la fête annuelle à Rome des jeunes militants de Fratelli d’Italia, le parti néofasciste de la première ministre italienne, Giorgia Meloni.
Son ADN comme source d’un homme nouveau
Sur la scène du château Saint-Ange, avec X Æ A-XII (l’un de ses 11 enfants), le milliardaire a dénoncé le « virus woke » et a appelé les Italiens, sur fond de menace de « grand remplacement », à un sursaut de natalité, à « faire plus d’Italiens pour sauver la culture italienne ».
Si certains l’adulent, d’autres le sous-estiment et le jugent politiquement contradictoire, ou du moins uniquement opportuniste. Pourtant, toutes les thématiques de ces deux interventions prises ensemble, et d’autres encore, forment une culture politique cohérente et profondément marquée à l’extrême droite.
Le transhumanisme n’a pas rempli ses promesses. Avec ses compères de la génération PayPal, comme Peter Thiel, Elon Musk croyait il y a vingt ans que l’homme qui dépasserait les limites du corps humain était déjà né. On parlait de vivre mille ans, ou de charger leur conscience dans le Cloud. Mais à 50 ans passés, et après avoir investi des milliards de dollars, il leur a fallu revoir leur copie sans perdre de vue leur objectif messianique de création d’un homme nouveau.
Si Elon n’est pas immortel, il veut que ses gènes le soient. Il est ainsi devenu le héraut du mouvement néonataliste, qui s’est développé au sud des États-Unis. Des ingénieurs, avocats ou banquiers prétendent reprendre le contrôle de l’évolution de l’espèce humaine, en faisant le plus d’enfants possible, forcément génétiquement supérieurs. Le site spécialisé dans le numérique Business Insider a publié fin 2022 une passionnante enquête à leur sujet. Car le mouvement n’a pas bonne presse.