Les bloqueurs de puberté sont au centre des débats, qui promettent d’être animés ce mardi 28 mai dans l’hémicycle, alors que les sénateurs vont se pencher sur un projet de loi relatif à la transidentité chez les mineurs. Si ce terme est au coeur de l’actualité, savez-vous vraiment ce qu’il renferme ?
Alors que le Sénat examine ce mardi 28 mai 2024 un texte visant à encadrer les transitions de genre avant l’âge de 18 ans, zoomons sur les bloqueurs de puberté, ces médicaments au coeur du projet de loi porté par les Républicains et farouchement dénoncé par la gauche et les associations LGBT +.
De quoi s’agit-il ?
Ce sont des hormones de synthèse qui, en imitant les vraies hormones de la puberté, empêchent la stimulation des gonades (ovaires, testicules) et la sécrétion des stéroïdes sexuels (œstrogènes, testostérone).
Certaines de ces molécules sont indiquées contre des cancers de la prostate, contre l’endométriose, mais aussi chez les enfants atteints de puberté précoce.
Quel effet et quelle durée ?
Il ne faut pas les confondre avec les hormones sexuelles, prescrites plus tard aux jeunes en transition, à partir de 16 ans, et qui ont des effets permanents comme la mue de la voix.
En effet, ces bloqueurs de puberté permettent de suspendre le développement des caractères sexuels secondaires (poitrine, voix, pilosité) relevant du genre auquel l’enfant ne s’identifie pas. Mais quand l’adolescent arrête le traitement, l’évolution pubertaire reprend son évolution naturelle.
Quel but ?
Le but des bloqueurs, c’est que “les jeunes personnes explorent leur identité de genre sans expérimenter les changements liés à la puberté qu’ils pourraient mal vivre”, explique à l’AFP Annelou de Vries, psychiatre néerlandaise dont les travaux font référence sur ces traitements.
L’idée est de “gagner du temps et de la sérénité avant de prendre une quelconque décision sur une intervention médicale avec des effets potentiellement irréversibles”.
Un impact sur la croissance ?
Sur la question des effets indésirables de ces bloqueurs de puberté, faute de recherches au long cours, il n’y a pas de consensus. C’est d’ailleurs une des principales critiques pour demander l’arrêt de ces prescriptions.
L’Académie française de médecine met en garde concernant “l’impact sur la croissance, la fragilisation osseuse”. Interrogée par l’AFP, Catherine Gordon, endocrino-pédiatre américaine, rappelle que beaucoup d’enfants en transition ont déjà “une faible densité osseuse avant le traitement”, notamment du fait de troubles alimentaires et d’un manque d’exercice physique.
“Il semblerait que la densification osseuse associée à la puberté est réduite chez les adolescents atteints de dysphorie de genre et traités par bloqueurs, mais aussi qu’une augmentation encourageante est observée une fois” qu’ils remplacent ces bloqueurs par “des hormones affirmatives de genre”, explique la spécialiste.
Des chercheurs s’inquiètent aussi de potentielles conséquences à vie sur la santé cognitive et émotionnelle, la puberté étant une phase limitée dans le temps pendant laquelle les connexions en développement du système nerveux sont construites par des facteurs hormonaux et liés aux expériences.
Quelles sont les conditions pour y accéder ?
Pour assurer leur efficacité et leur sécurité, la Dr de Vries, une des auteures du “protocole néerlandais” qui fait référence notamment en France, explique que les suppresseurs de puberté doivent être prescrits dans un cadre strict.
Pour être éligible, le patient doit avoir atteint le stade 2 de la puberté de Tanner, en général autour de 12 ans, mais qui peut commencer dès 8 ans.
Le protocole commence par un diagnostic précis visant notamment à détecter si le jeune patient présente des troubles psychiatriques ou autistiques.
Comment sont-ils actuellement prescrits ?
Ces molécules n’ont pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) pour traiter les enfants en dysphorie de genre, mais ce n’est pas illégal pour autant : en France, 20 % des prescriptions se font hors AMM.
En France, seuls 11 % des jeunes accompagnés dans une transition de genre ont eu accès à des bloqueurs de puberté, après un délai moyen de 10 mois entre la première consultation et la mise en place du traitement, selon la Défenseure des droits, qui ne dispose pas de chiffres dans l’absolu.
En théorie en France, toutes les décisions thérapeutiques pour les mineurs en transition doivent être appuyées et validées par des réunions de concertations pluridisciplinaires (RCP). Les jeunes et leurs familles sont informés de la nécessité d’une surveillance médicale et d’un suivi au long cours.
Mais un rapport de 2022 pointe que face à une “demande de transition sensible et en forte croissance, les réponses ont du mal à suivre, en dépit d’initiatives pour les développer”. Et beaucoup de jeunes n’ont pas accès aux consultations spécialisées.