Grève et manifestation à Paris (départ du Trocadéro à 13 heures) : en Seine-Saint-Denis, cette rentrée du lundi 22 avril va ressembler à celle du 26 février. Toujours sans réponse au plan d’urgence de 358 millions d’euros dont ils exigent la mise en œuvre depuis décembre dernier, les enseignants du département ne lâchent rien, explique Marie-Hélène Plard, de la FSU-Snuipp, au nom de l’intersyndicale éducation CGT-CNT-FSU-SUD.
En recevant finalement l’intersyndicale le 15 avril, Nicole Belloubet a surtout expliqué que tout ne va pas si mal dans le département et que le gouvernement a déjà fait beaucoup d’efforts. Qu’en pensez-vous ?
Ce n’est pas sérieux. Le ministère n’a pris la mesure ni de la situation, ni de la mobilisation. Les seules réponses que nous avons eues depuis le 26 février, c’est que l’État investit déjà beaucoup. Or la réalité, c’est que c’est juste la norme et que dans un département qui est à la fois le plus jeune et le plus pauvre de France métropolitaine, où le poids de l’éducation prioritaire est important, les résultats ne sont pas au rendez-vous.
Nous sommes dans un département hors-norme, en état d’urgence, qui a donc besoin de moyens hors-norme. Au bout de huit semaines de mobilisation, on nous demande d’attendre encore un mois : c’est agaçant et inquiétant.
Comment interprétez-vous cette absence de réponses réelles ?
Comme une volonté d’aller jusqu’à l’épuisement du mouvement. On sait, depuis la réforme des retraites, que ce gouvernement peut être extrêmement dur. Mais le ministère de l’Éducation nationale sous-estime notre mobilisation, qui est populaire, qui a le soutien des familles, des élus… Nous estimons que 75 % des enseignants du département se sont investis dans cette grève, malgré les difficultés. Il ne s’agit pas d’un petit mouvement local avec quelques personnels.
Après avoir été reçus à Matignon, nous attendions une enveloppe supplémentaire : nous avons vu que Nicole Belloubet avait les mains vides. Trois assistants d’éducation, pour un département qui compte 869 écoles, 168 collèges, 68 lycées ? ! La seule chose concrète, c’est de prendre enfin en compte les élèves allophones dans les effectifs des classes. Mais là non plus, sans aucune garantie sur la création des postes qui devrait forcément en résulter.
La grève et la manifestation de ce 22 avril, baroud d’honneur ou nouveau départ pour la mobilisation ?
Dire qu’on ne fait pas la rentrée, c’est toujours un moment important. Ce doit être un rebond, dans la continuité du mouvement, pour maintenir la pression jusqu’à ce que nous obtenions de vraies réponses. On ne peut pas dire quel sera le niveau de mobilisation mais dans le 1er degré, on s’attend à ce qu’elle puisse être supérieure au 26 février.
« Ce que fait le gouvernement sur ce sujet, c’est de l’agitation – mais une agitation idéologique, dangereuse. »
Ce mouvement peut durer, car il est construit à la base, par des AG locales massives. Nous soutenons aussi les douze communes du département qui seront devant le tribunal administratif, mercredi, suite au recours de la préfecture contre les arrêtés qu’ils ont pris pour mettre l’État en demeure de faire cesser, en urgence, le trouble à l’ordre public que constitue la situation dégradée de l’école.
Comment avez-vous pris, vu de Seine-Saint-Denis, les annonces de Gabriel Attal sur la « violence des jeunes » ?
C’est un discours nauséabond, ça fait peur. C’est une vision de l’éducation, de l’éducabilité de chacun qui est assez… particulière, et qui marche sur les plates-bandes de l’extrême droite. Ce n’est pas une démarche d’éducateur. Notre travail d’enseignant consiste à déconstruire les croyances pour construire du savoir ; là, on nous dit qu’il faut inculquer les choses. Sur la violence, oui, il y a des évènements graves.
Mais le focus médiatique qui se produit autour de ça donne l’impression d’une jeunesse dangereuse, incontrôlable : notre quotidien, ce n’est pas ça ! Et quand il se passe quelque chose, on ne fait pas rien. Ce que fait le gouvernement sur ce sujet, c’est de l’agitation – mais une agitation idéologique, dangereuse. Nous avons un gouvernement qui a peur de sa jeunesse et qui la massacre.
Nous sommes conscients que le discours sur l’autorité peut avoir un écho dans une partie de notre profession qui est maltraitée, parfois un peu perdue, et qui peut sentir sa souffrance un peu reconnue de cette manière. Mais la politique de tri social qui est en œuvre va accentuer les fractures. Et quand on fracture, on ne combat pas la violence, on en crée encore plus.