C’est par un accueil sous les slogans que les 12 maires de Seine-Saint-Denis sont arrivés au tribunal administratif de Montreuil, ce mercredi 24 avril. Ils y étaient convoqués après avoir pris dans chacun de leur ville un arrêté mettant en demeure l’État français de garantir « l’égalité devant le service public d’éducation ».
Mahé, enseignante à Stains, a fait le déplacement en solidarité avec les maires. Pour dénoncer le mépris de l’Etat face à la mobilisation dans le département, aussi. « Au gouvernement, ils n’ont fréquenté que des écoles huppées, ils ne savent pas ce qu’on vit. Cela fait deux mois qu’on a présenté nos revendications, de manière chiffrée. Quand on voit que Valérie Pécresse octroie 400 000 euros pour refaire l’ascenseur d’un lycée ouvertement homophobe, alors que certains établissements en Seine-Saint-Denis n’ont même pas de toilettes, ça m’exaspère », appuie-t-elle.
Pour rappel, les syndicats demandent un plan d’urgence de 358 millions d’euros, pour engager du personnel et faire face à la vétusté des bâtis scolaires.
« Obligés de mettre des couches à des enfants handicapés, faute d’AESH »
Pour les élus, le manque de moyens subi par l’éducation en Seine-Saint-Denis constitue une atteinte à la dignité humaine de ses habitants. « Il est dégradant pour un élève de voir qu’il a du retard parce que ses professeurs ne sont pas remplacés. On doit mettre des couches à certains enfants handicapés parce qu’il n’y a pas d’AESH pour les emmener aux toilettes. C’est clairement une atteinte à leur dignité », explique l’avocate des maires, Me Joyce Pitcher. L’argument de l’atteinte à la dignité humaine ne tient pas, se défend la préfecture, qui souligne aussi que la demande d’effectifs supplémentaires dans le domaine de l’éducation ne relève pas de la compétence des maires.
Pour le maire (DVG) de Romainville, François Dechy, ces arguments ne visent qu’à remettre en cause l’autorité des édiles. « On nous demande de faire toujours plus en matière de tranquillité publique, de sécurité… Et le jour où on se mobilise pour faire cesser un trouble à l’ordre public évident, on veut nous en empêcher ! Depuis une vingtaine d’années, le Conseil d’Etat a consacré la dignité humaine comme une composante de l’ordre public. On est donc sur une démarche parfaitement cohérente juridiquement », explique-t-il.
Pour les enfants de Seine-Saint-Denis, le compte n’y est pas
Devant le tribunal, son collègue (PCF) de La Courneuve, Gilles Poux, a donc réclamé « des sanctions contre cet Etat qui méprise et maltraite nos populations », insistant sur le fait que cette démarche s’inscrivait en soutien à la « légitime mobilisation des parents d’élèves et des professeurs » dans le département.
L’investissement de l’Etat pour l’éducation en Seine-Saint-Denis n’est pas inexistant, il est juste insuffisant, abonde François Dechy. « On nous dit que l’Etat a investi 2,3 milliards d’euros pour le département dans ce domaine. Très bien. Mais quand on applique ce chiffre au nombre d’enfants scolarisés, on remarque que, pour coller à la moyenne nationale, il en faudrait 3,2 milliards… », relève l’édile de Romainville.