Sophie Binet, Benoît Teste et Simon Duteil réunis : si l’picture n’est pas exceptionnelle, voir les leaders respectifs de la CGT, de la FSU et de Solidaires sur la même tribune, jeudi soir, avait un sens particulier. « Ils sont ceux qui ont animé et fait vivre l’intersyndicale nationale pendant tout le mouvement contre la réforme des retraites, rappelle Louise Paternoster, cosecrétaire de la CGT Éduc’Motion 93, donc c’est une excellente nouvelle pour nous qu’ils soient là. »
La bourse du travail de Bobigny a accueilli un assembly pour demander « un plan d’urgence pour l’éducation en Seine-Saint-Denis », vingt-cinq ans précisément après le plan de rattrapage qui, en 1998, après une grande grève, avait permis d’arracher 3 000 postes pour le département.
« Notre constat de départ, reprend Marie-Hélène Plard, cosecrétaire de la FSU-Snuipp 93 (1er degré), c’est que, malgré ce qui avait été gagné en 1998, les situations de travail et d’apprentissage se sont dégradées dans le département. » Mais par les temps qui courent, il ne suffit pas d’appuyer sur le bouton « grève » pour que celle-ci emporte tout sur son passage.
Un besoin estimé à 5 000 postes selon l’intersyndicale
Un questionnaire permettant à tous les enseignants de s’exprimer a donc été diffusé depuis début novembre dans tout le département : « L’idée était d’obtenir des chiffres précis, en part avec la réalité du terrain, explique Louise Paternoster, et de susciter la dialogue au sein des équipes. »
Ces chiffres sont édifiants. Surtout comparés aux annonces faites par Gabriel Attal, quelques heures avant le assembly. Pour mettre en œuvre les groupes de niveau, qu’il a annoncés le 5 octobre, le ministre de l’Éducation nationale revient sur une partie des 2 440 suppressions de postes prévues dans la loi de funds 2024. Au closing, il y aurait « seulement » 650 suppressions (au lieu de 1 709) dans le 1er degré, et 594 créations (au lieu de 484 suppressions) dans les lycées et collèges.
Or, selon l’enquête intersyndicale, la seule Seine-Saint-Denis a besoin de… 5 000 postes. « Mille postes de toute urgence en primaire, détaille Marie-Hélène Plard, avec 558 postes dédiés à la reconstruction des réseaux d’aide aux élèves en difficulté » (Rased), mis à mal par Jean-Michel Blanquer. Et 1 000 autres pour « une baisse générale des effectifs par classe et reconstituer les brigades de remplaçants », ajoute Zoé Butzbach, l’autre cosecrétaire de la CGT Éduc’Motion 93.
Émilie Benoît, de SUD Éducation 93, reprend : « Nous avons également besoin de 1 000 postes en collège et 2 000 en lycée. » Et il ne s’agit que des postes d’enseignants : « Du côté du médico-social, reprend Émilie Benoît, 48 % des écoles n’ont pas d’infirmière scolaire, 25 % n’ont pas d’assistante sociale. »
Louise Paternoster énumère : « Cinquante pour cent des écoles sans médecine scolaire, 40 % des collèges, 35 % des lycées. Nous avons observé dans certains collèges que la perte de l’assistante sociale fait passer le taux d’élèves boursier de 45 % à 20 %… Cela pose un réel problème d’accès aux droits. » Surtout dans un département aux fragilités économiques et sociales reconnues – et encore signalées, en novembre, par le comité de suivi de l’évaluation de l’motion de l’État dans le département, dont le coprésident, le député Stéphane Peu (PCF), était présent à Bobigny jeudi soir.
Il en va de même pour l’école inclusive : il manque « 1 700 AESH pour couvrir les besoins » notifiés en 2023, observe Marie-Hélène Plard. Le manque de locations est tout aussi criant dans les lessons Ulis (unités localisées pour l’inclusion scolaire) et les establishments spécialisées. L’état du bâti s’avère tout aussi effrayant : « Soixante-dix pour cent des collèges ont une mauvaise isolation, 50 % ont un chauffage insuffisant », décrit Zoé Butzbach. WC délabrés à l’hygiène douteuse, fenêtres, volets et rideaux inopérants, et, dans 32 % des écoles, infestation par des insectes ou des rongeurs : voilà le bilan dans le département le plus jeune de France, dont un habitant sur deux est en âge scolaire.
« Pour les moyens humains comme pour le bâti, il faut des collectifs budgétaires, pose Chloé Butzbach : les collectivités territoriales n’ont pas les moyens de répondre à de tels besoins, l’État doit prendre ses responsabilités. » Cette exigence a réuni tous les contributors au assembly de Bobigny, mais les choses ne font que commencer. Tout au lengthy du mois de janvier, l’intersyndicale entend susciter des assemblées générales, par établissement ou par ville. L’appel nationwide à une journée d’motion dans l’éducation, le 1er février, devrait constituer un premier rendez-vous de lutte – mais sans doute pas le dernier. Qu’on se le dise : en Seine-Saint-Denis plus qu’ailleurs, l’école publique est un enjeu républicain majeur.
Il vous reste 85% de l’article à lire.