La formule a connu un grand succès médiatique : « J’ai un stylo, j’espère que vous avez le chéquier ! » Elle a été employée par Sophie Binet en direction du président du Medef, en ouverture de leur débat à la Fête de l’Huma. En peu de mots la phrase traduit, avec beaucoup d’humour, plusieurs idées fondamentales. Elle fait de la réputation de la CGT d’avoir la signature difficile un argument offensif de négociation, elle brise la caricature.
Le chéquier demandé au patronat symbolise la nécessité pour celui-ci d’admettre des concessions qui, d’une manière ou d’une autre, réduisent la part que s’attribue le capital dans le « partage de la valeur » produite par le travail. L’opposition d’intérêts est clairement assumée. Chacune et chacun représente l’une des deux parties du monde du travail : la CGT représente les intérêts du travail, le Medef ceux du capital, les deux étant à la fois opposés et liés dans le processus de production de biens et de services, d’où la nécessité à la fois de se mesurer, c’est le rapport de force, et de négocier pour acter un compromis qui permette d’avancer.
Plusieurs lois ont affaibli, voire détricoté les principes de la négociation collective, elle devient aujourd’hui une arme possible dans les mains du patronat.
Le ton employé par Sophie Binet montre un rapport d’égalité, non seulement en tant que personne mais aussi au regard des principes du droit de la négociation collective. Ce dernier a en effet pour objet de rééquilibrer, sur le plan collectif, l’inégalité qui, sur le plan individuel, caractérise la relation employeurs-salariés. Le contrat individuel de travail entérine un lien de subordination que le droit syndical, le droit du travail, les règles de la négociation collective visent à rééquilibrer. La négociation collective constitue aussi une réduction du pouvoir unilatéral des employeurs. Les contraindre à négocier est très souvent un enjeu de lutte au même titre que les revendications elles-mêmes.
C’est pourquoi les progrès dans le droit de la négociation collective ont toujours accompagné les progrès dans les droits sociaux et démocratiques des salariés au travers des grands moments de luttes sociales. Mais l’inverse est vrai aussi. C’est ce que nous vivons depuis de nombreuses années. Plusieurs lois ont affaibli, voire détricoté les principes de la négociation collective en tant que droit des salariés exprimé par leurs représentants syndicaux. Elle devient aujourd’hui une arme possible dans les mains du patronat pour faire passer au travers d’accords nationaux interprofessionnels des dispositifs qu’il ne parvient pas, ou difficilement, selon les circonstances, à obtenir de la loi ou du pouvoir politique.
Il y a donc tout lieu d’être très vigilant quand le patronat affirme sa volonté de redonner toute leur place à ce qu’il appelle (avec d’autres) des « partenaires sociaux ». Le mot « partenaires » dit bien ce qu’il veut dire. Il nie la contradiction d’intérêts et le rôle spécifique des syndicats d’un côté et du patronat de l’autre dans la négociation. La CGT récuse ce terme et préfère celui d’acteurs ou d’interlocuteurs sociaux. Quoi qu’il en soit, la CGT a une stratégie de négociations, appuyée sur l’information, la consultation et la mobilisation des salariés, et sur la recherche de convergences entre les organisations syndicales. Elle refuse de se mettre d’emblée hors du jeu en annonçant qu’elle ne signera rien. Ainsi, s’il arrive qu’un chéquier ouvert attende un stylo, il arrive aussi que la disponibilité d’un stylo contribue à ouvrir et à remplir le chéquier.
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