Donald Trump a déclaré vouloir baisser de 8 % le budget de la défense des États-Unis sur cinq ans. Soit 300 milliards de dollars de moins. De surcroît, il compte réorienter 50 milliards vers les investissements militaires prioritaires. Le but : « Parvenir à la paix par la force », comme aime à le répéter Pete Hegseth, ancien présentateur chez Fox News, fraîchement nommé ministre de la Défense états-unien.
Première coupe dans le budget : sortir l’urgence climatique des questions de sécurité nationale. « Le ministère de la Défense ne s’occupe pas des conneries climatiques, il s’occupe de la préparation et des opérations de guerre », a tranché Pete Hegseth. Il prétend plutôt « ramener la culture du guerrier » au Pentagone en se débarrassant des femmes, des personnes trans et des « wokes » en général.
Il est aussi un proche de Peter Thiel, le premier ponte de la Silicon Valley à avoir soutenu Trump et à être devenu son conseiller, dès 2016. Ce magnat du capital-risque a ouvert les portes du ministère de la Défense aux start-up militaristes qu’il a financées et cofondées : Anduril et Palantir.
Il a aussi placé un de ses proches, Jacob Helberg, cadre dirigeant de Palantir, à la tête du secrétariat d’État à la Croissance économique. Ces sociétés viennent de lancer un consortium industriel, avec SpaceX d’Elon Musk notamment, pour répondre à des appels d’offres à plusieurs dizaines de milliards de dollars et damer ainsi le pion aux géants de l’industrie états-uniens : Lockheed Martin, Boeing, Northrop Grumman ou General Dynamics…
Changement de logique industrielle
De son côté, Elon Musk, qu’aucun conflit d’intérêts n’arrête, a, à la tête de son département de l’Efficacité gouvernementale (Doge), poussé à un changement des procédures et des politiques contractuelles dans le secteur de la défense. Et, opportunément, les nouveaux venus arrivent avec une tout autre logique industrielle : quand les mastodontes attendent la commande publique pour fabriquer, ces start-up proposent à la vente des produits déjà faits, prêts à l’emploi. Il s’agit d’être moins chers. Et surtout de gagner du temps.
Car il y a urgence, martèlent leurs lobbyistes dans les couloirs du ministère de la Défense. Ils agitent des prédictions selon lesquelles la Chine attaquerait Taïwan en 2027, ainsi que des simulations montrant que les capacités de construction navale chinoises sont 50 à 300 fois plus importantes et que, si une guerre dans le Pacifique se déclenchait demain, les États-Unis seraient à court de munitions et de missiles en huit jours.
La guerre en Ukraine a aussi clairement servi l’intérêt de ces start-up. Avec sa constellation de satellites Starlink, Musk y est déjà présent pour assurer les télécommunications. Mais Anduril et Palantir sont aussi arrivés dès les premières semaines du conflit avec leurs produits. « Dans quelques années, on regardera l’Ukraine comme la préhistoire de la guerre des drones », assure l’ancien amiral de la marine états-unienne Mike Mattis, débauché par Anduril, soulignant qu’avec des milliers de drones pas chers achetés en Chine et modifiés avec les moyens du bord les Ukrainiens arrêtent les tanks lourds russes.
La start-up, qui construit des drones et autres armes automatiques, enjoint le Pentagone d’arrêter d’investir des milliards de dollars dans une nouvelle version de l’existant, alors que la guerre change profondément, de cesser d’acheter des tanks quand la prochaine guerre mondiale sera dans le Pacifique… Des arguments qui font leur chemin auprès des gardiens de la bourse du ministère de la Défense.
« Qui contrôle le logiciel contrôle le futur »
Autre changement de paradigme, ces entreprises de la Silicon Valley portent la conviction qu’en matière de défense, comme c’est déjà le cas dans d’autres industries, le logiciel est au moins aussi crucial que le matériel. Un simple petit drone peut servir à la reconnaissance, à l’espionnage, au ciblage, à l’attaque… Déployés par milliers, ces engins nécessitent un logiciel pour les contrôler tous, interagir et communiquer entre eux, comme avec les opérateurs.
« Qui contrôle le logiciel contrôle le futur », aime à répéter Alex Karp, le PDG de Palantir, convaincu qu’avec assez de données son programme peut prévoir les prochains mouvements de l’ennemi. Ces millions d’informations sur lesquelles tourneront des IA désigneront elles-mêmes des cibles.
L’intervention humaine se limite à dire « oui » pour que la frappe soit automatiquement effectuée par un drone dans la minute. Palmer Luckey, PDG d’Anduril, l’assure avec gourmandise : « L’arme nucléaire n’a pas sonné la fin de l’histoire de l’innovation militaire. »
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