Comme chef de la diplomatie, il fut, en 2003, le visage du « non » à la croisade de George W. Bush en Irak. Il fait aujourd’hui entendre une voix critique sur les questions internationales, dénonçant la guerre d’anéantissement que livre l’État d’Israël aux Palestiniens de Gaza, plaidant pour une relation nouvelle avec le Sud, appelant à privilégier la diplomatie plutôt que le recours à la force pour résoudre les conflits. L’ancien premier ministre Dominique de Villepin était, dimanche, l’invité de l’Agora à la Fête de l’Humanité.
« Vous fournissez l’épée, nous fournissons le sang/Vous fournissez l’acier et le feu, nous fournissons la chair/Mais le ciel et l’air/Sont les mêmes pour vous et pour nous. » Que vous inspirent ces vers du poète palestinien Mahmoud Darwich ?
La poésie nous rappelle à la conscience de notre humanité commune. Nous avons tous le même devoir : arrêter cette escalade meurtrière. Le 7 octobre, ne l’oublions pas, c’est 1 200 morts et plus de 240 otages. À partir de là, l’engrenage de la vengeance sans limite, sans proportion, a conduit, à Gaza, à ce bilan effarant de 40 000 morts, dont 30 000 femmes et enfants, issus de la population civile. Ce bilan, qu’il nous faut regarder en face, est lié à un choix de réponse par la force de la part d’une démocratie soutenue par les États-Unis et par les autres démocraties.
Alors même que nous aurions la capacité, et c’est cela que je trouve particulièrement révoltant, d’introduire de la mesure dans la réponse israélienne. D’abord, parce que nous aidons économiquement Israël, y compris sur les territoires de la colonisation. Ensuite, parce que nous apportons à ce pays une aide militaire – c’est particulièrement vrai s’agissant des États-Unis. Et nous le faisons, en quelque sorte, en fermant les yeux sur cet engrenage de la violence dont nous savons qu’il ne peut conduire à rien.
Ceux qui plaident pour continuer la guerre, pour aller « jusqu’au bout », oublient une réalité fondamentale. Nous sommes dans une guerre dite « contre le terrorisme » qui ne peut être gagnée en employant le seul langage de la force. Surtout si cette logique de force est sans objectif politique. Benyamin Netanyahou répète que son but, c’est l’éradication du Hamas. Il est contredit par son ministre de la Défense, Yoav Gallant, qui dit lui-même que le Hamas a été désarmé.
À Gaza, tous les services de renseignements disent que le point d’achoppement des négociations, le corridor de Philadelphie, dans le sud de Gaza, n’a pas lieu d’être maintenu par Israël. Sur ce point, une entente est possible : on pourrait engager un cessez-le-feu qui permettrait de libérer de nombreux otages, comme cela a été possible une première fois. Mais le gouvernement Netanyahou cherche surtout à se maintenir au pouvoir. Le premier ministre israélien joue sa survie personnelle et judiciaire. D’où la persistance d’une politique ultraconservatrice et fondamentaliste, celle de Ben-Gvir et Smotrich, auxquels il est associé. Cet engrenage de la violence est sans issue.
Entre les victimes du 7 octobre et celles de Gaza, partagez-vous le constat d’un double standard, d’une empathie sélective ?