Dix ans après, il est en quelque sorte toujours là. Les militants écologistes, des plus modérés aux plus radicaux, n’ont jamais oublié leur martyr, devenu symbole de l’acharnement de l’État dans la protection d’intérêts privés au détriment du bien commun. Pas une manifestation sans que son nom ne figure, au moins, sur une pancarte. Pas une mobilisation sans que quelqu’un n’avoue sa crainte de « mourir comme Rémi Fraisse ». « Sa mémoire est entretenue. Pour la nébuleuse écologiste, il est le témoignage du tournant dans la répression », résume Alexis Vrignon, historien spécialiste des luttes environnementales.
Dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, la vie de Rémi Fraisse n’aurait pas dû s’arrêter sur la zone à défendre (ZAD) de Lisle-sur-Tarn (Tarn). Peu avant deux heures du matin, avec d’autres opposants à la construction du barrage de Sivens menaçant les écosystèmes locaux, le jeune pacifiste de 21 ans décide d’assister aux affrontements entre manifestants et gendarmes sur le chantier vide du projet.
En simple badaud. Tirées en cloche plutôt qu’au sol comme l’exige la procédure, les grenades offensives pleuvent. L’une d’entre elles se coince entre sa capuche et son sac à dos. Elle explose et Rémi Fraisse tombe au sol. « Non, il ne s’agit pas d’une bavure », répondra Bernard Cazeneuve, ministre de l’Intérieur d’alors, jugé responsable du décès, comme de l’étouffement de l’affaire, par nombre de figures du mouvement climat. « On ne peut présenter les choses ainsi. » À la suite du drame, l’utilisation de grenades offensives par les forces de police est interdite.