Selon l’Unicef, plus de 2 000 enfants en France sont contraints de dormir dans la rue. Les chiffres sont en forte hausse depuis 2020. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Cela fait des années que les associations tirent la sonnette d’alarme, que les élus locaux répètent à quel point la situation est devenue indigne. Mais les gouvernements qui se succèdent n’ont absolument pas pris la mesure du problème.
En 2023, lors du débat sur le dernier projet de loi de finances, le gouvernement a balayé d’un revers de main toutes les propositions visant à augmenter les crédits dédiés à l’hébergement d’urgence, notamment pour remédier à la situation de ces enfants qui dorment dehors.
C’est donc la traduction d’un choix politique ?
Le gouvernement a stigmatisé une partie de la population, divisé et monté des catégories les unes contre les autres. Aujourd’hui, nous le payons avec des enfants, des mères, des familles qui sont forcées de vivre dans la rue. Quand le gouvernement décide de réduire l’indemnisation du chômage, des populations entières n’arrivent plus à se loger et finissent par se tourner vers un hébergement d’urgence. Nous sommes arrivés même à un point où des enfants dorment dehors, juste en dessous d’appartements inhabités. C’est hallucinant.
Avec mes collègues sénateurs, nous avons déposé une proposition de loi pour donner la possibilité aux communes de réquisitionner des bâtiments vacants. Maintenant, il faudrait relancer une politique du logement et de l’hébergement beaucoup plus puissante dans notre pays. S’il y a bien une politique qui a été complètement négligée par Macron depuis 2017, c’est celle-ci. Et aujourd’hui, tout le monde en convient – à gauche comme à droite, des élus locaux au secteur privé –, le gouvernement a sciemment saccagé le secteur du logement, et tout le monde en paye le prix.
Dans quelle mesure cela reflète-t-il une dégradation de la situation sociale du pays ?
Cette multiplication du nombre d’enfants à la rue se produit sur fond de crise économique et sociale, mais aussi sur fond de crise du logement. Toute la chaîne de l’hébergement est engorgée : de plus en plus de familles font des demandes de logement social. La file s’allonge de jour en jour, car le logement social et l’hébergement d’urgence sont engorgés. Les difficultés s’accumulent, toute la chaîne se grippe, et personne n’en sort.
Comment expliquez-vous l’indifférence envers ces enfants et ces familles ?
Nous sommes dans une hypocrisie totale car bon nombre de familles sont sciemment laissées dans une véritable impasse administrative. L’État laisse sur le territoire français des gens qui ne seront jamais expulsés et qu’il ne veut pas régulariser.
Ces familles souffrent aussi de manque de moyens et, comme elles ne peuvent pas déposer une demande de logement social, elles sont condamnées à vivre dans des centres d’hébergement, c’est-à-dire dans des conditions de vie extrêmement précaires. Et dans le pire des cas, elles sont contraintes de vivre dans la rue. Heureusement, nos mobilisations ont permis d’attirer l’attention de l’opinion publique sur ce sujet.
Dans le 18e arrondissement parisien, où je suis élu, des parents d’élèves et des enseignants se sont relayés pour héberger des enfants. À la suite de cela, la Ville de Paris a mobilisé un établissement scolaire vacant pour les loger. C’est du cas par cas. Mais il n’existe pas encore de prise en compte à l’échelle nationale de la tragédie à laquelle nous avons affaire depuis de nombreuses années.
Concrètement, que peuvent faire les élus et parlementaires ?
Depuis des années, les parlementaires communistes se battent et nous continuerons de le faire dans les mois à venir. Par exemple, une proposition de loi transpartisane sur la régulation du marché du logement a été votée à l’Assemblée nationale. Elle aurait dû partir en commission mixte paritaire, mais le processus a été interrompu par la dissolution. Cette situation ne peut plus perdurer.
Sur leurs territoires, beaucoup d’élus locaux mobilisent les sites qui s’y prêtent en hébergements d’urgence. Mais les collectivités locales ne peuvent pas remédier à elles seules aux défaillances coupables de l’État. Nous avons besoin d’un soutien de l’État pour mener une politique du logement abordable. Or, pour l’instant, dans le meilleur des cas, l’État laisse ces collectivités agir sans les appuyer, sans véritable soutien.
Aux côtés de celles et ceux qui luttent !
L’urgence sociale, c’est chaque jour la priorité de l’Humanité.
En exposant la violence patronale.
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En donnant des clés de compréhension et des outils aux salarié.es pour se défendre contre les politiques ultralibérales qui dégradent leur qualité de vie.
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