Le vacarme incessant des marteaux-piqueurs ne suffit pas à couvrir leurs clameurs. À l’ombre d’une grue géante et des immeubles vitrés flambant neufs du nouveau quartier sorti de terre dans le 13e arrondissement de Paris, les manifestants réunis devant le siège du Samu social, ce 17 octobre, se succèdent au micro.
La colère des agents qui viennent en aide aux personnes sans-abri et en grande précarité, mobilisés pour la troisième fois depuis la rentrée de septembre et rejoints par plusieurs dizaines de travailleurs sociaux d’autres groupements d’intérêt public (GIP), ne faiblit pas. Il suffit de ce parallèle pour en saisir l’ampleur : « Certains de nos collègues se trouvent dans la même misère que ceux qu’ils accompagnent. C’est délirant ! » s’émeut Jordan Bernard, secrétaire général de la CGT du Samu social de Paris.
Les oubliés du service public
Face aux représentants des diverses tutelles (Agence régionale de santé, mairie de Paris…) qui président au sort du dispositif départemental de service public d’aide aux personnes vulnérables d’Île-de-France, réunies ce jour en assemblée générale, ils sont venus réitérer leurs revendications. Elles portent d’abord sur les salaires.
En plus d’être parmi les plus basses du secteur du médico-social (de 15 à 20 % inférieures, selon Jordan Bernard), la rémunération des agents du Samu social a été la grande oubliée de la prime Ségur (la revalorisation salariale décidée au sortir de la pandémie de Covid dans les « accords du Ségur » entre le ministère de la Santé et les syndicats), étendue par décret en août dernier aux travailleurs sociaux œuvrant dans des associations privées, comme Emmaüs ou la Croix-Rouge.
Une injustice dénoncée par les syndicats, dont Sud et la CGT, qui réclament l’extension de cette prime à tous les travailleurs du Samu social, y compris à ceux qui œuvrent dans les missions supports, indispensables pour assurer l’accompagnement des publics, ainsi qu’un 13e mois de salaire, soit 300 euros d’augmentation générale.
Le statut bancal des groupements d’intérêts publics est bien là où le bât blesse : « On a une mission de service public, on a un statut d’agent public, mais comme nous évoluons dans le cadre d’un GIP, nous ne bénéficions pas des droits associés généralement à la fonction publique, par exemple l’indemnité de résidence, ou le supplément familial de traitement, qui aident à surmonter le coût de la vie à Paris », analyse Jordan Bernard.
« On nous demande de faire des économies avec des salaires de merde ! »
Au-delà des conditions de vie déplorables des agents, dont les revenus pour certains ne suffisent plus à avoir un toit décent, « un comble pour une structure censée lutter contre la précarité ! », selon les propos de Julie, une représentante de Sud santé sociaux, l’enjeu est bien de tarir « l’hémorragie » qui affecte les effectifs au sein du Samu social et plus généralement des associations du secteur. « Quand les collègues arrivent, ils endossent cinq missions. Puis, au bout de trois mois, leur travail est multiplié par deux ou trois. Alors, ils s’en vont. Les agents passent leur temps à former de nouveaux collègues, parfois non diplômés et non formés », ajoute la syndicaliste.
Une crise d’attractivité qu’elle explique également par des directions déconnectées du terrain « qui n’ont jamais été à la rencontre d’une femme livrée à la rue », et qui gèrent de plus en plus le travail des agents « à travers des tableaux Excel ».
Le résultat : des travailleurs à bout, privés de moyens, face à une perte de sens grandissante, placés dans l’incapacité de réaliser correctement leurs missions auprès d’usagers fragilisés, et livrés au dilemme de se rendre complices d’une « institution devenue maltraitante ».
« On nous demande de faire des économies avec des salaires de merde ! » s’emporte encore la syndicaliste, qui a pourtant conscience de la difficulté à faire entendre leur voix, dans un contexte où le secteur social apparaît l’un des plus vulnérables à la saignée budgétaire annoncée par le gouvernement Barnier. « Nous, on ne peut pas bloquer une usine. Les conséquences n’ont pas d’importance à leurs yeux car les pauvres ils s’en moquent ! On ne nous entend pas et pourtant nous sommes la cocotte de cette révolution qui n’est pas encore là ! »
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