Au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, tout le monde a d’abord pensé à une attaque terroriste. Ce jour-là, peu après 15 heures, à Eckwersheim, dans le Bas-Rhin, la rame d’essai 774 du TGV Paris-Strasbourg déraille. Sur les 53 personnes à bord, 11 perdent la vie.
Le train transportait des employés de la SNCF et leur famille, dont 4 enfants, pour cette phase de test de la nouvelle ligne ferroviaire à grande vitesse. En réalité, tout laisse à penser qu’il s’agit d’une erreur humaine. La SNCF, responsable des essais, l’entreprise Systra, gestionnaire des infrastructures ferroviaires, SNCF Réseau, ainsi que 3 personnes directement impliquées dans l’accident doivent être jugées à partir de ce 4 mars par le tribunal correctionnel de Paris pour « blessures et homicides involontaires par maladresse, imprudence, négligence ou manquement à une obligation de sécurité ».
La « vitesse excessive » à l’origine de l’accident
L’instruction, menée par le pôle « accidents collectifs » du tribunal judiciaire de Paris, a révélé que le basculement du train et son déraillement étaient dus à une « vitesse excessive » et un freinage tardif. À 20 kilomètres de la capitale du Grand-Est, la rame avait pris une courbe à 265 km/h, au lieu des 176 km/h préconisés, avant de dérailler et de se fracasser sur le pont enjambant le canal liant la Marne au Rhin. Sous le choc d’une violence inouïe, la rame avait ensuite dévalé le talus se déchirant en deux parties. L’une finissant au fond du canal, l’autre s’enflammant.
Pendant deux mois et demi, plus de huit ans après le drame, les trois hommes aux manettes de la motrice du train, la SNCF et ses filiales feront donc face à une centaine de parties civiles et leurs avocats pour tenter de déterminer à qui revient la faute. Les entreprises ou leurs employés ? Les familles de cheminots avaient-elles leur place dans les wagons ce jour-là ? Mais, surtout, les bonnes consignes de freinage avaient-elles été données ? Ces questions qui sont au centre de ce procès du premier accident mortel de TGV depuis sa création, en 1981.
Mais pour l’avocat des familles des victimes, Gérard Chemla, les véritables responsables de la catastrophe manquent sur le banc des accusés. « Les salariés de SNCF et de Systra qui ont organisé les essais sans mettre en place les mesures de sécurité qu’il fallait imaginer ne sont pas renvoyés devant le tribunal, déplorait-il en août 2022. Les victimes ne sont pas dans une ambiance de revanche ou de chasse aux sorcières. (…) Ce qu’on attend, c’est qu’on expose ce qui s’est passé, qu’on ouvre les dossiers et que, si des fautes ont été commises, on les sanctionne comme on doit les sanctionner. »
Le Bureau d’enquêtes sur les accidents de transport terrestre affirmait en tout cas, dès 2016, qu’aucun élément ne permettait « a priori de remettre en cause le sérieux » du personnel chargé d’effectuer les tests sur cette ligne de TGV, ni de mettre en évidence que la présence des invités à bord de la rame ait pu, comme le suggérait au lendemain du drame l’ex-président de la SNCF, Guillaume Pepy, jouer un rôle dans l’accident.