Chaque année depuis dix ans, l’Ugict-CGT publie un baromètre sur les opinions et attentes des professions techniciennes et intermédiaires, étayé par un sondage réalisé par ViaVoice avec le cabinet d’expert Secafi, auprès de mille travailleurs de ces catégories socio-professionnelles des secteurs privé et public. Pour ces travailleurs situés schématiquement entre les cadres et les ouvriers-employés, l’étude 2024 met en lumière un sentiment de déclassement qui n’a jamais été aussi fort. Un constat inquiétant qui incite Caroline Blanchot, secrétaire générale de l’Union syndicale à faire de 2024 « l’année des professions techniciennes et intermédiaires, afin de les sortir de l’invisibilité et de porter avec force leur aspiration à la reconnaissance de leurs qualifications ».
Le salaire, priorité des professions intermédiaires
Pour la première fois, le salaire prend la première place des préoccupations de ces catégories socioprofessionnelles (72 % des sondés), au même niveau que l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Les trop faibles niveaux de rémunérations sont surtout pointés par les femmes (76 % d’entre elles), alors qu’elles représentent presque deux tiers des professions intermédiaires. Un sentiment d’inégalité renforcé par le fait que seulement un tiers des femmes sont rémunérées pour leurs heures supplémentaires, contre près de la moitié des hommes.
L’inquiétude concernant la question salariale est fortement liée à l’inflation subie depuis l’année 2022. En effet, l’Ugict-CGT observe que les professions intermédiaires sont les catégories qui ont le plus perdu en pouvoir d’achat sur les vingt-cinq dernières années, tout en étant également celles dont le salaire a le moins progressé en comparaison aux ouvriers, employés et cadres. Les travailleuses et travailleurs du secteur jugent majoritairement que leur salaire n’est en adéquation ni avec leur charge de travail ni avec leur implication ni avec leurs qualifications.
Déqualification et intensification du travail
Cette question de la qualification prend une importance grandissante, puisque la hausse du niveau de diplôme (68 % de diplômés du supérieur chez les professions intermédiaires de moins de trente ans), s’accompagne en réalité d’une déqualification. La nouvelle convention collective de la métallurgie appliquée depuis janvier 2024 a par exemple fait disparaître à la fois la reconnaissance des diplômes à l’embauche, mais également les qualifications acquises durant la carrière. Des diplômés de l’enseignement supérieur sont aujourd’hui recrutés avec des qualifications supérieures au niveau demandé pours leurs postes (13 % des professions intermédiaires).
Le sondage met également en lumière l’intensification et la perte de sens du travail des professions intermédiaires. 47 % des salariés déclarent travailler plus que les 35 heures hebdomadaires légales, dont 15 % entre 45 et 48 heures. Près de la moitié d’entre eux lie cette intensification avec l’utilisation des technologies d’information et de communication. De même, près de deux tiers jugent que leur éthique entre régulièrement en conflit avec les choix et les pratiques de leur employeur. L’Ugict-CGT appelle donc à l’activation d’un certain nombre de mesures et recours à disposition des travailleurs, comme le droit à la déconnexion, le droit de refus ainsi que le droit d’alerte.
Les travailleurs intermédiaires sont par ailleurs nombreux à dénoncer un décalage entre le poste occupé et le travail réellement effectué. Plus de la moitié déclarent que leur travail aide à la prise de décision et au travail de leurs collègues, mais sans pour autant être rémunérés en conséquence. L’Ugict-CGT dénonce une « offensive patronale pour brouiller les qualifications » visant à « invisibiliser cette catégorie dans la hiérarchie socio-professionnelle“.
Des catégories « impensées » par le Rassemblement National
Dans un contexte de victoire du Rassemblement National aux élections européennes, et de risque de son arrivée au pouvoir en France, l’Ugict-CGT montre également pourquoi les « mesures sociales » du RN ne sont qu’un mirage pour les professions intermédiaires. La réduction des cotisations patronales constitue un réel risque pour le financement de la Sécurité sociale, et la retraite à 60 ans, l’un des arguments majeurs du parti d’extrême droite, ne concerne que les personnes ayant commencé à travailler avant 20 ans, excluant de facto les diplômés du supérieur. L’Ugict-CGT revendique à l’inverse des mesures plus proches de celles défendues par le Nouveau Front Populaire : indexation des salaires sur l’inflation, retraite à 60 ans avec reconnaissance de la pénibilité, ou encore réduction du temps de travail par le passage à 32 heures.