Dimanche dernier, Marine Le Pen avait promis une « démonstration de force » sur la place Vauban. Démonstration, il y a bien eu. Mais pas celle que la patronne du RN, condamnée en première instance pour avoir détourné 4,1 millions d’euros, aimerait nous faire avaler. Ni son pupitre immaculé ni les rangées d’élus encravatés alignés sur l’estrade n’ont attiré les foules.
Censé symboliser le soutien du « peuple » à la pauvre victime d’une « justice politique », ce meeting a fait un flop, sauvé uniquement par les cadrages serrés sur les quelques milliers de militants convoyés en bus. La première des démonstrations est plutôt claire : le narratif victimaire, déployé par le RN afin de masquer la gravité des faits, n’a suscité, pour le moment du moins, aucun mouvement populaire d’ampleur.
« La fille de Jean-Marie Le Pen s’inscrit là dans la droite ligne poujadiste de feu son paternel. »
La seconde démonstration est celle de la nature profonde du RN. Oubliés la « stratégie de la cravate » et les masques de respectabilité. Depuis le 31 mars, Marine Le Pen, empêtrée dans sa rage et son déni, montre à nouveau le vrai visage de l’extrême droite. Celui de la violence et des diatribes paranoïaques contre le « système », la « dictature des juges », celui de la haine des contre-pouvoirs indépendants, garants de notre État de droit et de l’équilibre du fonctionnement démocratique.
La fille de Jean-Marie Le Pen s’inscrit là dans la droite ligne poujadiste de feu son paternel. En 1998, le fondateur du Front national, condamné lui aussi à une peine d’inéligibilité, éructait contre « le totalitarisme » des « procureurs socialistes » et s’offusquait de « la mise hors circuit d’un homme politique qui a recueilli deux fois plusieurs millions de voix ». Vingt-sept ans plus tard, sa descendance bégaie les mêmes éléments de langage. Et rappelle combien cette famille politique s’inscrit dans une vision autocratique et fascisante du pouvoir.
À cet égard, la liste des soutiens que Marine Le Pen a tenu à remercier lors de son discours dimanche dernier est particulièrement éclairante : le russe Vladimir Poutine, le hongrois Viktor Orbán, Elon Musk, Donald Trump en personne… Une internationale antidémocratique et illibérale, qui sert désormais de modèle au RN et à sa patronne en voie de trumpisation aiguë. N’en doutons pas, avec sa rhétorique anti-juges, Marine Le Pen rêve d’épouser le destin du milliardaire président qui avait su convertir ses multiples procès en carburant victimaire et électorale.
Elle lui emprunte ses mots, mais également les retournements de valeur dont l’extrême droite s’est fait une spécialité, jouant du confusionnisme ambiant. Dimanche, la partisane de la discrimination nationale a été jusqu’à se comparer – comme Donald Trump en son temps – au pasteur noir assassiné Martin Luther King… Ce qui a dû bien faire sourire l’assistance, dont Aurélien Verhassel, ex-responsable de La Citadelle à Lille, un bar « réservé aux blancs », fermé depuis. Avec le RN, l’infamie n’a pas de limite.
La stratégie de Marine Le Pen sera-t-elle payante ? En 1998, la campagne de Jean-Marie Le Pen n’avait eu que peu d’écho et reçu une opposition claire. Trente ans plus tard, on mesure avec angoisse le chemin perdu. De nombreux médias, bollorisés ou enivrés par des années de « dédiabolisation » frontiste, sont plus que jamais perméables au narratif lepéniste.
Quant au gouvernement, de Gérald Darmanin à Bruno Retailleau, en passant par François Bayrou, c’est tout le sommet de l’État qui joue les alliés de circonstance du RN, fragilisant une institution judiciaire qu’ils sont censés défendre. Ces concessions funestes sont les meilleurs auxiliaires de l’extrême droite qui prospère sur le renoncement. Face au danger antidémocratique que représente, plus que jamais, le RN d’aujourd’hui, c’est tout le camp progressiste, uni, qui doit désormais faire sa « démonstration de force ».
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