« J’ai eu dix minutes pour sortir de l’appartement. » Logé depuis 30 ans dans le parc social, ce sexagénaire, qui souhaite rester anonyme, a été mis à la rue de son logement, du jour au lendemain. « J’ai vécu pendant six mois entre voiture, garage et famille. » C’est précisément ce type de situation que le Collectif des associations unies (CAU) redoute de voir se multiplier avec le projet de loi Kasbarian 2 qui arrive en commission, au Sénat, ce mercredi 5 juin.
L’année 2023 a déjà été « celle d’un nouveau record », avec « 21 500 ménages expulsés de leur logement », accuse Maïder Olivier, coordinatrice du CAU, soit une hausse de 23 % sur un an. Des locataires qui, jusqu’à présent, « obtenaient un sursis », comme des personnes très âgées, sont désormais expulsés. « On assiste même à des décisions d’expulsion pour des retards de loyer anecdotiques », souligne le collectif.
Une « catastrophe » à venir
Mardi 4 juin, ce regroupement de 41 associations a donc tiré la sonnette d’alarme. Alertant sur « les effets néfastes déjà visibles » de la loi anti-squat Kasbarian-Bergé, promulguée il y a un an, et sur la « catastrophe » que pourrait engendrer la deuxième loi. « Il y a un rebond des expulsions et une utilisation abusive de la loi anti-squat », dénoncent en chœur les associations membres. « Face à la crise du logement, nous avons besoin d’une réponse de l’État. On doit se préparer au pire avec le texte qui arrive au Sénat », craint Maïder Olivier.
Concrètement, le projet de loi Kasbarian 2 s’attaque à la loi SRU et aux détenteurs de HLM. L’objectif affiché par le gouvernement est de sortir du parc social des locataires présentés comme « trop riches » pour prétendre à ces biens à loyer modéré, et de mettre fin au logement social « à vie ».
Des quotas revus au bénéfice des mauvais élèves
Autre point contesté, la réforme de la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU), qui permettrait à certaines villes n’ayant pas atteint leurs objectifs de logements sociaux d’intégrer les logements locatifs intermédiaires (LLI) dans leur quota de HLM, pour rattraper leur retard. Or, « les loyers des LLI sont fréquemment de 1 500 voire 2 000 euros par mois », rappellent les associations, qui y voient « une attaque en règle contre le logement social ».
Ce projet de loi arrive par ailleurs au Sénat à sept semaines des Jeux Olympiques, qui ont « joué un rôle d’accélérateur » dans ces phénomènes d’expulsion. Le Collectif des associations unies redoute que ces Jeux ne servent de prétexte pour alimenter « des pratiques qui aggravent le mal-logement », comme en témoignent les expulsions d’étudiants de leurs logements Crous et les arrêtés anti-mendicités au passage de la flamme olympique.
« Les JO rendent visible la grave crise de l’hébergement sur laquelle nous alertons depuis des mois », affirme le regroupement d’associations. Des mobilisations contre la loi Kasbarian 2 sont d’ores et déjà prévues les 6 et 18 juin à Paris.
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