L’impôt n’a pas seulement à voir avec une problématique de redistribution même si cette dimension est importante. Il conditionne aussi largement les dynamiques de financement, la manière de produire, en un mot la politique économique. La légitimité de l’impôt repose sur ces différentes approches qui demandent à être fortement articulées.
Il est juste de dire que la question est « toute politique » : on ne peut par exemple régler le problème de l’impôt sur les sociétés à travers le seul débat sur la technique de l’avoir fiscal ou du précompte. La justification d’un prélèvement sur les entreprises ne se résume pas à juger de l’efficience de telle ou telle modalité technique.
Ce qui relie l’entreprise à la société est d’une autre nature que la simple technique fiscale. Là aussi, il y a interaction même si les règles sont différentes. Face à des dirigeants d’entreprises qui sont pour la suppression ou pour la baisse de l’IS (Impôt sur les bénéfices des sociétés) nous ne pouvons qu’argumenter en expliquant : lorsque vous ne paierez plus un centime d’impôt, vous ne trouverez plus une région ou un pays qui fera des efforts pour vous accueillir. Ce mouvement, d’ailleurs en cours aujourd’hui, s’exprime par une tendance au rejet des activités industrielles, voire économiques, vécues comme perturbatrices de la vie sociale.
L’idée d’un rejet global de l’impôt par la société française et au-delà européenne est erronée. Ne nous trompons pas sur ce que nous disent de ce point de vue, les sondages d’opinion. Si les gens veulent « une baisse de leur impôt », c’est en toute légitimité. Il ne s’agit pas d’une vague antifiscale classique. Les gens savent trop que l’impôt sert à financer des prestations, des services, des investissements qu’ils jugent indispensables. Ce qu’ils veulent c’est une meilleure couverture des besoins et une plus grande efficacité dans la mise en œuvre des fonctions collectives et publiques. Et le débat sur la baisse de l’impôt tel qu’il se développe aujourd’hui constitue une approche bien démagogique.
Parlons enfin de la « crise de la redistribution » pointée par de nombreux experts et par un rapport du Conseil d’Analyse économique. Il est clair que le système redistributif a été un puissant amortisseur de crise ces quinze dernières années, nous pouvons tous en témoigner. Au bout d’un certain temps, ce système montre malgré tout ses limites parce que butant sur l’insuffisante création globale de richesses. L’impôt, qui est un outil mixte ni proprement libéral, ni purement administratif, n’est pas opposable au marché. C’est un outil d’intervention dans le marché. L’impôt doit se préoccuper aussi de la manière de produire, de l’accès des gens à l’emploi, du volume de la richesse que l’on va pouvoir utiliser pour répondre aux besoins individuels et/ou collectifs.