L’économie informelle rend les travailleurs invisibles. Le micro-crédit offre parfois le coup de pouce nécessaire pour vivre au grand jour. C’est la voie qu’a emprunté Mariam (1) depuis trois ans du côté d’Aubervilliers, avec l’aide de l’Adie (Association pour le droit à l’initiative économique).
En Côte d’Ivoire, le commerce était déjà plus qu’une vocation. Sa passion est devenue sa planche de salut depuis qu’elle a fui la guerre en 2011 et est arrivée dans l’Hexagone à l’âge de 34 ans. Accueillie par sa sœur qui lui offre un travail de coiffeuse à son domicile, elle ne parvient à vivre que grâce à l’économie informelle, faute de titre de séjour valide. En parallèle, elle développe une activité de vente de tissus, sacs et vêtements pour subvenir aux besoins de sa famille. Elle achète ces produits sur les marchés pour les revendre ensuite aux personnes qui viennent se faire coiffer.
Détermination inébranlable
Cette situation dure deux ans, jusqu’à ce qu’elle tombe enceinte de son deuxième enfant. Son deux-pièces devient trop étroit, sans compter les conditions insalubres. «Comme je n’avais pas de papiers, mon mari non plus, c’était compliqué pour payer le loyer. Je ne pouvais pas faire d’économies, tout ce que nous gagnions nous le dépensions », explique-t-elle aujourd’hui. Mariam prend conscience rapidement des limites du travail dissimulé: sans CDI, sans bulletins de salaire, sans-papiers, trouver un travail légal et un logement est un parcours semé d’embûches. Mais l’optimisme et la force de caractère lui font relever le défi.
Cette détermination inébranlable lui permet d’obtenir en 2018 sa carte de séjour. Peu de temps après, elle décroche un emploi en CDI en tant que femme de chambre dans un hôtel. L’obtention d’un logement social, à Aulnay-sous-bois, survient l’année suivante. Son travail difficile, exigeant sur le plan physique, se trouve à 1h30 de transport de chez elle. Pour des raisons de santé, elle est contrainte de démissionner. Mariam ne peut compter à ce moment-là que sur son activité parallèle de vente de tissus. Pour laquelle, elle a bénéficie d’un premier microcrédit, via l’Adie, association dont le but est de permettre à des personnes qui n’ont pas accès au système bancaire traditionnel de créer leur propre entreprise.
Ces coups de pouce financiers et le soutien prodigué par l’organisation, dont 61% des travailleurs informels accompagnés sont des femmes, change la donne. En 2021, cette mère de famille de trois enfants formalise son activité de revente de draps et vêtements en adoptant le statut d’auto-entrepreneur. « Je vais au marché et à Aubervilliers chez des grossistes. Le cousin de mon mari à Dubaï m’envoie aussi par colis des draps et robes que je choisis sur photo. Je les revends ensuite à la maison ». Sa clientèle, ce sont ses anciennes clientes de la coiffure, ainsi que des femmes du quartier. Pour stabiliser sa situation, Mariam a obtenu en parallèle un poste d’agent d’entretien à l’aéroport Charles de Gaulle. Ce revenu supplémentaire lui permet depuis l’an dernier de financer les études en communication à l’université de sa fille aînée restée en Côte d’Ivoire.
Depuis, Mariam nourrit l’espoir de vivre de ses activités entrepreneuriales: la revente de textile, mais aussi de plats préparés. « Ca marche plutôt bien, les gens ont besoin de manger. Il y a des jours où je gagne 20-25 euros. Par mois, je peux toucher 250 à 300 euros et mon mari gagne 1 500 euros. A deux, ça fait 1 800 euros », relève l’entrepreneuse qui avoue avoir des coups de moins bien. « Parfois, c’est difficile, j’ai envie d’arrêter. Mais lorsque les clients viennent me voir, ça me motive de nouveau. J’aime bien le commerce, j’aime ce que je fais, et peut-être qu’un jour j’en vivrais, c’est ce que j‘aimerais ».
(1) Le prénom a été changé.