L’animateur, comme à son habitude, demande d’un ton faussement niais : Qui fait la cuisine à la maison ? – Maman, répond l’enfant. – Qu’est-ce que tu aimes ? – Les frites, rétorque sans hésiter le gamin. Un comble pour l’animateur, face à cet enfant d’origine asiatique qui, forcément, doit « manger du riz », qui plus est « avec des baguettes ». Ironie de l’histoire, le petit ne sait pas se servir de baguettes, et n’a même jamais entendu parler de pousses de bambou.
Aux premiers rangs de la salle, les parents, sourire gêné, s’enfoncent dans leurs fauteuils. Pourquoi avoir embarqué leur fils dans cette galère, ont-ils dû penser très fort. Nous sommes en 1988. L’animateur, c’est Jacques Martin. L’émission, « l’École des fans », regardée par des millions de téléspectateurs. Cette archive, dégoulinante de clichés et de préjugés, ressortie en février par la journaliste Émilie Tran Nguyen dans son film documentaire « Je ne suis pas une chinetoque, histoire du racisme anti asiatique », fait aujourd’hui blêmir. Impensable, de nos jours, d’imaginer une telle scène sur une chaîne publique.
Une très forte augmentation des actes racistes en 2023
C’est une bonne nouvelle : la société française est plus ouverte qu’il y a cinquante, voire vingt ans. Le racisme recule : 60 % des Français déclarent n’être « pas du tout racistes », deux fois plus qu’il y a vingt ans, selon le dernier rapport de l’Observatoire des inégalités. Une avancée pourtant fragile. La montée en puissance du Rassemblement national, puis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin, ont brutalement réveillé les haines les plus inavouées. Le rapport publié en juillet de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) est sans équivoque : si les Français sont plus tolérants, il n’en demeure pas moins que l’année 2023 a été marquée par une très forte augmentation des actes racistes.