« Tout le monde mérite un droit au respect de sa dignité », avait plaidé la procureure lors de son réquisitoire. C’est ce principe qu’a retenu le tribunal judiciaire de Meaux (Seine-et-Marne), ce mercredi 5 février, en condamnant un employeur, sa femme, gérante de leur société, et leur fille, pour « conditions de travail et d’hébergement indignes » et « travail dissimulé ».
Cette famille était poursuivie par le parquet de Meaux après la mise au jour des conditions de vie et de travail dégradantes subies par douze anciens « salariés » sans papiers sur le chantier de rénovation du château de Chambry. Épaulés par l’union départementale de Seine-et-Marne CGT (UD CGT 77) et la fédération de la construction CGT, ils s’étaient constitués partie civile.
Photos à l’appui
Logement insalubre sans chauffage, absence d’équipement de protection individuelle pour travailler sur le chantier, présence d’amiante, heures de travail à rallonge et pas toutes payées… Durant les deux jours d’audience, les témoignages se sont accumulés, photos à l’appui. Si la femme et sa fille ont exprimé des regrets, le patron, multirécidiviste dans des affaires de fraude et d’escroquerie, s’est défaussé sur son contremaître. À la barre, Maxime Cessieux, avocat de la partie civile et de la CGT, a accusé « le manque d’empathie et le mépris des droits des salariés ».
Dans son verdict, le tribunal a reconnu la traite d’êtres humains, mais n’a retenu que les « conditions de travail et d’hébergement indignes » et le « travail dissimulé ». « La traite d’êtres humains n’a pas été retenue du fait d’une jurisprudence de 2021 qui stipule qu’on ne peut pas poursuivre les accusés pour deux infractions s’entremêlant. Mais les juges auraient dû retenir la qualité la plus grave ! » déplore l’avocat des victimes. De son côté, la CGT a été déboutée, le tribunal estimant « que les poursuites du parquet suffisent pour défendre le préjudice moral ». Pourtant, « le parquet défend la société, le syndicat défend les droits des travailleurs, ce n’est pas la même chose », insiste Maxime Cessieux.
« Une plaidoirie de la honte »
L’employeur écope finalement de quatre ans de prison dont deux ferme sous bracelet électronique et doit verser une indemnité de 2 000 euros à chacun de ses huit anciens ouvriers, quatre ayant été déboutés. Sa femme et sa fille sont condamnées à 20 000 euros d’amende chacune. Tous trois ont interdiction de gérer une société pendant une dizaine d’années. Le château leur a été confisqué.
Leurs avocats dénoncent une « enquête à charge » et « un procès politique habituel à la CGT sur les questions d’immigration illégale ». Ce procès permettrait, selon eux, aux travailleurs sans papiers d’être régularisés grâce à la condamnation de leur ancien employeur. « Une plaidoirie de la honte », s’indigne Patrick Masson, secrétaire général de l’UD CGT 77. « Heureusement que le syndicat était là pour les aider dans leurs démarches, souligne l’avocat de la CGT. Cela permet de constater les défaillances des services de l’État censés les prendre en charge. Ce n’est pas de la politique, c’est juste la loi de mettre à l’abri des personnes victimes d’exploitation. »
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