L’événement a démarré dans une ambiance de kermesse. Des drapeaux aux effigies de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs (JA) qui virevoltent à tout va. Des jeux de lumière au-dessus de la scène. Une bonne partie de congressistes vêtus de tee-shirts aux sigles des deux organisations.
En ouverture de la séance publique de son 78e congrès, mercredi, la FNSEA n’avait pas lésiné sur le son et lumière pour montrer qui était le syndicat majoritaire chez les exploitants agricoles. Au Kursaal, palais des congrès de Dunkerque, un agriculteur invité en plaisantait dans le public : « J’ai l’impression d’être à un concert. »
Après deux mois de mobilisations paysannes à travers le pays, le grand raout annuel a donné l’occasion à l’organisation patronale de taper fort pour marquer les esprits. Ceux du gouvernement, à l’aune de la présentation du projet de loi d’orientation agricole repoussée à mercredi. Ceux des autres syndicats, à un an des élections dans les chambres d’agriculture. « Depuis que nous sommes arrivés, nous débattons sur ce qui a été fait, mais aussi sur ce qu’il nous reste à faire », lance en patron Arnaud Rousseau, président de la FNSEA, chaudement applaudi par ses adhérents, mais aussi par une poignée d’eurodéputés LR et macroniens convaincus.
« Le compte n’y est toujours pas »
Invité à prendre la parole en tant que local de l’étape, Xavier Bertrand, président LR du conseil régional des Hauts-de-France, sait brosser ses hôtes dans le sens du poil. « Je suis présent au congrès du syndicat agricole qui a été le plus critiqué cette année. Mais c’est normal, vous êtes les premiers, flagorne-t-il. Il vaut mieux avoir à traiter avec des interlocuteurs solides plutôt qu’un jour avoir à discuter avec des coordinations qui n’en sont pas, et à discuter avec les plus contestataires et les plus radicaux. » D’aucuns y verront une pique à la Coordination rurale.
Mais du battu à la dernière primaire LR à la présidentielle, les responsables départementaux comme nationaux de la FNSEA n’ont cure. L’exécutif reste leur cible privilégiée. Bien que le gouvernement ait exaucé une soixantaine des vœux formulés par les deux organisations majoritaires pour résoudre la crise agricole, que le premier ministre les a reçus à Matignon le 11, le 19 et le 25 mars, ou encore que la Commission européenne a détricoté une bonne partie des normes environnementales de la politique agricole commune, « le compte n’y est toujours pas », affirme Christophe Chambon, secrétaire général adjoint.
« Il n’est pour nous pas admissible qu’il se passe un mois entre une décision ministérielle et la diffusion d’une instruction pour les syndicats », enchaîne son chef, Arnaud Rousseau, invitant à « cesser de perdre du temps en nous imposant des gesticulations théâtrales », en référence à l’exercice de communication de Gabriel Attal dans une ferme le 26 janvier.
Accueilli par quelques sifflets en clôture du congrès jeudi, le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, se savait pour une fois pas en terrain conquis, alors que la veille Arnaud Rousseau appelait à « avoir des réponses au comment et quand » concernant la mise en place des 62 mesures prises par l’exécutif.
L’ancien cadre de la chambre d’agriculture du Loir-et-Cher a donc servi la soupe. « Vous êtes un syndicat de solutions, un syndicat de propositions, et c’est sur cette base-là qu’on est partis pour essayer de répondre à la crise agricole qui est sous nos yeux », a-t-il lancé à l’auditoire.
Avant de réciter : « Nous avons inscrit dans la loi agricole, à votre demande, l’idée que l’agriculture était d’intérêt général majeur pour notre pays, (…) nous avons acté immédiatement, en termes de trésorerie, la suppression de la hausse de la fiscalité du GNR (gasoil non routier), dès le mois de juillet. La deuxième chose que nous avons faite, c’est l’accélération du versement des indemnisations pour les éleveurs touchés par la maladie hémorragique épizootique… »
Pendant une vingtaine de minutes, Marc Fesneau a dressé l’inventaire des mesures, pour la plupart déjà annoncées par Gabriel Attal et Emmanuel Macron, prises ou à venir. Le ministre de l’Agriculture a rappelé que bon nombre de celles-ci – comme les dérogations sur les haies, la réduction des délais de juridiction en cas de contentieux sur l’installation des ouvrages en eaux ou la définition de la souveraineté alimentaire – apparaîtront dans le texte de loi d’orientation agricole et sur le renouvellement des générations attendu mercredi en Conseil des ministres. Interrogé sur une éventuelle invitation à l’Élysée des JA et FNSEA avant cette échéance, Marc Fesneau a botté en touche.