Vive la compétitivité et l’agrobusiness ! La marotte caractérisant la vision de la politique agricole française sous Emmanuel Macron a été confirmée ce samedi 27 avril, lorsque, en déplacement dans la Manche, Gabriel Attal a annoncé quatorze engagements « complémentaires » en faveur de l’agriculture, dans l’espoir de clore une profonde crise qui a amené, de janvier à mars, des milliers de producteurs sur les routes.
Arnaud Rousseau, président de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), syndicat majoritaire, avait sonné la charge lors du 78e congrès du syndicat, en mars : « Porter le goût d’entreprendre en agriculture, voilà notre mission (…) Il n’est pas question qu’un seul jour passe sans qu’il ne soit productif pour les agriculteurs. » L’appel a été entendu par l’exécutif.
Réduction des délais pour contester les méga-bassines
Quoi de mieux que de rogner les avancées environnementales pour aider les agriculteurs ? Parmi les annonces égrenées samedi, Gabriel Attal a acté la présentation « début mai » de la version définitive du plan Écophyto 2030. Celle-ci, dénoncée par les ONG environnementales, devrait désormais se reposer sur l’indicateur européen de mesure de l’usage des pesticides, moins-disant, au lieu du français, utilisé jusqu’à présent. Le gouvernement a aussi donné des gages sur la réduction des délais de recours contre les ouvrages de stockage d’eau, comme les méga-bassines. À ce sujet, Gabriel Attal a précisé que 100 projets de stockage d’eau ou d’irrigation devraient voir le jour d’ici à la fin de l’année.
En parallèle, le Parlement européen a approuvé, mercredi 24 avril, une révision de la Politique agricole commune (PAC), la délestant de certaines règles environnementales, sur l’impulsion notamment de la France. « La question maintenant, c’est de savoir à qui cela va profiter ? Si nous sommes vraiment contraints d’en construire, priorisons alors ceux qui en ont le plus besoin, à savoir les maraîchers », alerte Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne.
100 millions d’euros de prêts
En ces temps de rigueur budgétaire, Gabriel Attal continue d’annoncer des centaines de millions d’euros d’aides pour enrayer la diminution du nombre d’agriculteurs. La Banque publique d’investissement, BPI France, interviendra à hauteur d’au moins 100 millions d’euros sous forme de prêts de trésorerie personnels (jusqu’à 75 000 euros) ou de garanties auprès des exploitants lâchés par leur banque.
L’exécutif relève tous les seuils d’exonération pour faciliter les transmissions (la concentration des terres ?), et annonce un plan « d’accompagnement » pour les agriculteurs des Pyrénées-Orientales, de l’Aude et de l’Hérault, touchés par la sécheresse et les inondations, qui sera doté de 50 millions d’euros dédiés à des projets d’adaptation au changement climatique.
« Toutes ces annonces procèdent à l’accélération d’un modèle agricole industriel. La majorité des producteurs ne s’y retrouveront pas. »
Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne.
À la question de savoir à qui profiteront les 67 engagements gouvernementaux auxquels s’ajoutent ces quatorze nouvelles mesures, Laurence Marandola a une petite idée : « Toutes les annonces réalisées ces derniers mois procèdent à l’accélération d’un modèle agricole industriel. La majorité des producteurs ne s’y retrouveront pas. » Pas sûr, en effet, qu’elles corrigent les très fortes inégalités de revenu. Selon le dernier recensement de l’Insee, les 10 % les moins aisés parmi les maraîchers et horticulteurs disposaient, en 2020, d’un niveau de vie annuel inférieur à 8 900 euros. Les 10 % les plus aisés touchaient quant à eux 48 900 euros par an, d’après une étude de l’Insee parue en février.
Socialement, le gouvernement tente de donner le change en promettant une refonte du système des retraites agricoles, avec la prise en compte « dès 2026 » des 25 meilleures années travaillées. La mesure laisse dubitatif le Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef). « On nous présente cela comme une avancée alors que cela devrait être logique. Nous sommes les salariés qui travaillent le plus. Pourtant, nos retraites sont misérables. Il vaudrait mieux que les agriculteurs bénéficient d’une retraite minimale au Smic », commente Raymond Girardi, vice-président du Modef.
Alors que l’Assemblée débute, à partir de ce lundi 29 avril, l’examen en commission du projet de loi d’orientation agricole, la FNSEA et les Jeunes agriculteurs ont salué, samedi, ces nouvelles annonces, et déclaré ouverte une nouvelle « phase » pour la « déclinaison concrète de chacune des mesures ». Mais, pour Laurence Marandola, de la Confédération paysanne, « si l’intention est de clore la séquence, c’est loin d’être la fin des difficultés de revenu pour les agriculteurs ».