Le gouvernement a annoncé dimanche 28 avril déposer une plainte contre le fondateur de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon. « Mon ministère va porter plainte pour injure publique devant un agent public », a déclaré la ministre de l’Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau. Elle a justifié son action sur le plateau de BFMTV suite aux propos tenus par le dirigeant insoumis après l’interdiction de la conférence qu’il devait tenir à l’université de Lille. Une initiative avec la juriste franco-palestinienne Rima Hassan, candidate aux élections européennes sur la liste FI conduite par Manon Aubry, notamment dédiée à la dénonciation des bombardements israélien sur sur Gaza. La ministre a par ailleurs déformé des propos de l’ancien candidat à la présidentielle : « (…) Jean-Luc Mélenchon, qui a traité de nazi le président (de l’université de Lille), c’est une injure publique » a-t-elle accusé sur BFMTV.
Alors que le préfet du Nord avait dans la foulée interdit la tenue de cette réunion publique dans un autre lieu, Jean-Luc Mélenchon avait pris la parole publiquement dans la rue pour dénoncer cette censure. Il s’était appuyé pour critiquer la décision du président de l’université de Lille sur les travaux d’Hannah Arendt sur la « banalité du mal ». « Moi je n’ai rien fait, disait Eichmann, lançait l’ancien candidat à l’élection présidentielle à la foule venue en soutien. Je n’ai fait qu’obéir à la loi telle qu’elle était dans mon pays. Alors ils disent qu’ils obéissent à la loi et ils mettent en œuvre des mesures immorales qui ne sont justifiées par rien ni personne ». Ce parallèle dressé entre la situation de l’université de Lille et l’analyse de la politologue américaine sur le procès du concepteur de la Solution Finale, Adolf Eichmann, avait vivement fait réagir et suscité de fermes critiques, y compris au sein de la gauche qui avait condamné l’interdiction de la conférence de Lille. Cependant, la phrase de Jean-Luc Mélenchon n’équivaut pas non plus à qualifier le président de l’université de Lille de « nazi ». Le fondateur de la FI s’en est expliqué ce lundi matin sur X. « Madame la ministre, je n’ai pas traité de nazi le président de l’Université de Lille. Je ne pense pas qu’il le soit. Sinon je le dirais sans peur de vos plaintes ».
Jean-Luc Mélenchon ajoute qu’il a qualifié le président de l’université de Lille de « brave homme sans doute » et argumente : « Je ne dirais jamais d’un nazi qu’il est « un brave homme sans doute ». » Il développe avoir « dénoncé son exemple de lâcheté qui conduit au mal comme l’a décrit Hannah Arendt. Car il s’est plaint dans son communiqué des pressions qu’il a subies. Pourquoi y a-t-il cédé ? Quelles sont ces menaces et qui les a proférées ? Sa décision est si peu justifiée qu’un des conseils de faculté de cette université l’a récusée. »
L’ancien député s’adresse ensuite en ces termes à la m’insistez : « À votre tour, vous vous défaussez de vos responsabilités dans la défense des libertés universitaires. Qui a menacé de faire du désordre pour exiger l’interdiction de notre conférence à Lille ? Pourquoi le président de la région Hauts-de-France a-t-il exigé que je sois interdit de parole dans toutes les universités ? Pourquoi la députée Renaissance de Lille a-t-elle appelé au désordre contre nous ? Votre action en justice est une diversion pour faire parler de vous et faire oublier le crime que nous combattons : le génocide des Palestiniens. »
« Des plaintes ont été déposées et on ne peut pas les jeter à la poubelle »
De fait, la plainte du gouvernement constitue une nouvelle escalade dans la répression des mouvements dénonçant la guerre à Gaza et les menaces de génocide, alors que la FI en a fait un de ses principaux axes de campagne pour les élections européennes. Après la présidente du groupe parlementaire de la FI, Mathilde Panot, la candidate sur la liste conduite par Manon Aubry, Rima Hassan, toutes les deux convoquées par la police pour « apologie du terrorisme » le 30 avril, c’est donc à l’un des principales figures de l’opposition de gauche que l’exécutif s’attaque cette fois directement sur le plan judiciaire.
Interrogé sur cette série de mises en causes avant l’annonce de Sylvie Retailleau, le garde des Sceaux Eric Dupont-Moretti avait balayé toute intervention de son ministère dans les procédures. « Des plaintes ont été déposées et on ne peut pas les jeter à la poubelle en vue d’une polémique à venir », estimait-il sur BFMTV. Début avril, le président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, Jean-Marie Burguburu, avait écrit au ministre à ce sujet : « Il ne revient pas aux autorités judiciaires d’intervenir dans ces débats en qualifiant d’apologie du terrorisme toute mise en perspective historique des attentats du 7 octobre dusse-t-elle choquer certains ».