Il y a comme un emballement spéculatif autour de l’intelligence artificielle. Il y a un encore un an, seuls les joueurs de jeux vidéo sur PC et les mineurs de Bitcoin connaissaient Nvidia, pour la puissance de ses puces. Mais depuis que ses processeurs sont également reconnus comme les plus performants pour l’entraînement des systèmes d’IA comme Chat GPT, la capitalisation de l’entreprise a enflé, gonflé et grossi encore… En février dernier, elle atteignait les 1500 milliards de dollars, et passait devant Google et Amazon. Et voilà que quelques mois plus tard, elle dépasse Apple et Microsoft, avec 3350 milliards de dollars. C’est plus que le PIB de la France ou de la Grande Bretagne. Le prix de ses puces H100 dédiées à l’IA explose tout autant que sa capitalisation, il faut dire qu’avec 88 % du marché, elle est en quasi-situation de monopole. Et il faut plusieurs dizaines de milliers de ces H100 pour faire tourner un système d’IA comme ChatGPT.
Les grands gagnants de cette explosion boursière sont les principaux actionnaires de l’entreprise, qui sont sans surprise les fonds spéculatifs Vanguard et BlackRock.
26 000 salariés seulement
Nvidia n’est pourtant pas une énorme entreprise. Avec 26 000 salariés, elle conçoit des processeurs, mais ne les fabrique pas. Elle se révèle même complètement dépendante du taïwanais TSMC, le seul fondeur au monde capable de finesse de gravure suffisante pour les produire. C’est une situation de fragilité, qui pousse Nvidia à mettre des coups de pression pour garantir que ses processeurs restent prioritaires dans les usines du fondeur. L’autorité de la concurrence a d’ailleurs déjà perquisitionné les locaux de l’entreprise et enquête sur de présumées pratiques anticoncurrentielles.
Une revanche du matériel sur le logiciel
On peut aussi interpréter la croissance de la valorisation de Nvidia comme une revanche du matériel sur le logiciel. Les fabricants de hardware – Intel, IBM, Dell… – se sont vus progressivement voler l’essentiel de la valeur ajoutée du numérique par les géants du logiciel, les GAFAM en tête. Mais avec les limites climatiques, de capacités de productions et la raréfaction des ressources, le matériel redevient crucial. Songeons que rien que pour laver le silicium nécessaire à la fabrication des puces Nvidia, les usines de TSMC consomment plus 150 000 tonnes d’eau douce par jour.