En dépit de l’interdiction de rassemblement de la préfecture, des convois de tracteurs de la Coordination rurale (CR) de plusieurs régions de France ont tenté, dimanche 5 janvier, de rejoindre Paris. En vain. Dans la soirée, Christian Convers, secrétaire général de ce syndicat agricole français très droitier, a pris acte de cet échec. « Nos tracteurs sont partis, mais dans les endroits où ils sont regroupés, les gendarmes les empêchent de bouger », a-t-il expliqué.
La mobilisation a une portée médiatique importante, dans un contexte particulier d’élections aux chambres d’agriculture du 15 au 31 janvier, pouvant mener à un bouleversement des rapports de force. Pour l’heure, le mouvement majoritaire est le syndicat productiviste la FNSEA, depuis le dernier scrutin de 2019. Par ailleurs, les quatre principaux syndicats, la Coordination rurale, la Confédération paysanne et les Jeunes agriculteurs (JA), doivent être reçus à Matignon, le lundi 13 janvier.
« Nous avons besoin d’un point de chute où nous regrouper »
Mais la mobilisation a fait face à un obstacle de taille. La préfecture de police de Paris a interdit les rassemblements non déclarés, de dimanche 18 heures à ce lundi, 12 heures, dans un large périmètre du centre de Paris, incluant notamment Matignon et le ministère de l’Agriculture. La préfecture du Val-de-Marne en a fait de même autour du marché de Rungis et sur l’autoroute A6.
Christian Convers a lui-même été brièvement interpellé par la police, dimanche, en fin d’après-midi à Paris. « Ils m’ont relâché en me disant qu’il me fallait quitter Paris, ce qui voudrait dire qu’on n’aurait même plus le droit de marcher sur le trottoir à Paris ? », a-t-il relevé.
« Nous ne venons pas pour bloquer Paris, d’ailleurs nous avons accepté de ne pas rentrer dans la capitale dimanche soir, retour de vacances, nous venons en tracteur pour exprimer nos soucis, et nous avons besoin d’un point de chute où nous regrouper », a-t-il ajouté. « Si aucun point de chute ne nous est accordé par les autorités, cela va se transformer en confrontation que nous ne voulons pas », a-t-il poursuivi.
Un accord UE Mercosur signé un mois plus tôt
« Nous demandons d’avoir les mêmes normes de production que les autres pays, nous demandons des réductions de contrôles dans les fermes et des augmentations de contrôles dans les grandes surfaces où l’on trouve des produits qui ne respectent pas nos normes », a expliqué, à l’AFP, Damien Cornier de la Coordination rurale en Normandie, joint par téléphone, qui cultive céréales et betteraves aux Andelys (Eure).
« Nous avons trouvé du sucre et de la farine venant d’Ukraine » dans des supermarchés, « alors que l’industriel qui nous achète les betteraves à sucre nous demande de réduire nos volumes de production de 15 % cette année, et que les prix à la tonne vont passer à 23 euros en 2025 contre 36-38 euros en 2024 », a-t-il ajouté.
Ainsi, les agriculteurs de la CR demandent la fin de l’accord commercial, le plus important jamais conclu par l’UE avec des pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay). Ce traité, signé le 6 décembre 2024, favorise l’importation de produits à bas coûts et aux normes environnementales moins élevées que celles qui sont imposées aux agriculteurs français. Une réglementation particulièrement dangereuse pour la souveraineté alimentaire de la France et pour le revenu de ses paysans.
La ministre de l’Agriculture Annie Génevard a tenté de rassurer, en lançant, dans le JDD, que « garantir une digne rémunération » était « la mère des batailles ». S’agissant de l’accord UE Mercosur, elle a assuré que le processus était « loin d’être terminé » et que le gouvernement « allait se battre comme des fous contre ce mauvais accord ».
Un taux de pauvreté qui s’élève à 16,2 %
De leur côté, les syndicats ancrés à gauche demandent la fin de ce type d’accords commerciaux, mettant également en avant d’autres revendications. Ainsi, le Modef, syndicat agricole de défense des exploitations familiales, exige l’instauration d’un prix plancher, ainsi qu’un coefficient multiplicateur qui rendra impossible la spéculation sur les produits agricoles.
De son côté, le syndicat Confédération paysanne, prônant une agriculture durable, demande l’interdiction d’achat de produits agricoles en dessous du prix de revient – montant total dépensé avant la vente du produit.
Des mesures particulièrement urgentes, dans un contexte où les agriculteurs français doivent se battre pour vivre de leur travail. Selon une note de l’Insee sur les revenus agricoles, publiée le 12 décembre 2024, « le taux de pauvreté des personnes vivant dans un ménage agricole atteint 16,2 %, contre 14,4 % pour l’ensemble de la population ».
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