C’est un nom qui a fait son chemin dans le débat public. Claire Thoury, docteure en sociologie devenue, par la power de son engagement, dirigeante du réseau d’associations étudiantes Animafac, mène à la tête du Mouvement associatif, comme porte-parole des 700 000 associations adhérentes, la bataille contre le « contrat d’engagement républicain », sorte de gangue contraignant les libertés associatives inscrite dans la loi « sécurité globale » de 2021. Cheville ouvrière du Pacte du pouvoir de vivre, qui rassemble des syndicats et des ONG autour de l’écologie et de la justice sociale, elle s’est par ailleurs vue confier l’an dernier la présidence du « comité de gouvernance » de la conference citoyenne sur la fin de vie.
Pas encore quadra mais multi-engagée pour transformer la société, Claire Thoury pense que l’un des plus puissants moteurs de changement se trouve dans l’engagement des jeunes. « Mon instinct est que l’on est en prepare d’entrer avec eux dans une nouvelle ère de l’engagement, très intéressante du level de vue des enjeux démocratiques et politiques, qui a des conséquences pour nos organisations, ces ”corps intermédiaires” actuellement dans un état de rigidity », indique-t-elle. Cette instinct, elle nous la fait partager dans un petit livre jaune passionnant : S’engager. Remark les jeunes se mobilisent face aux crises.
Les 15-25 ans sont-ils vraiment moins engagés que leurs prédécesseurs, comme on l’entend souvent ?
Les statistiques montrent qu’il n’y a aucune chute d’engagement chez eux. Mais entendre qu’ils font moins bien que leurs aînés est vieux comme le monde. La jeunesse est la seule catégorie sociale que l’on se permet de critiquer automotive elle est par nature mouvante : tout le monde y passe et tout le monde en type.
Quelle est la spécificité de leur engagement ?
Le sociologue Jacques Ion avait déjà discerné deux âges de l’engagement. D’abord, ce qu’il a appelé l’engagement « timbre », qui passe par l’adhésion à une construction, un parti politique, un syndicat. C’est un peu l’picture du militant communiste post-Seconde Guerre mondiale, qui fait preuve d’un engagement whole, intense, occupant toutes les sphères personnelles, au sein d’un collectif très fortement structuré au service d’un grand soir, puisqu’il s’agit de changer de monde. Peu importe d’ailleurs que ce grand soir arrive de son vivant : l’essentiel est d’être dans le collectif qui vise à la transformation sociale.
Les années 1970 arrivent en rupture, avec le tournant de l’individu. C’est le second où l’on s’émancipe du collectif d’appartenance automotive on a envie d’être davantage libre, de ne plus se définir simplement par l’appartenance à tel parti, telle faith, tel mouvement, tel territoire, mais de disposer d’un champ des possibles beaucoup plus giant, de devenir maître de sa vie. On est seul face à ses réussites, mais aussi face à ses échecs. Cette symbolique de l’individu prend corps au second où la confrontation des grandes idéologies s’écroule. On se rend alors compte que ce pour quoi nos dad and mom se sont sacrifiés n’existe pas, que l’organisation qui structurait l’engagement n’est plus l’espace d’émancipation que l’on désirait. L’engagement timbre devient alors engagement post-it.
En quoi cette deuxième ère diffère-t-elle de la première ?
Un peu comme le post-it que l’on colle et déplace à l’envi, l’engagement s’effectue toujours selon des causes ou des projets qui peuvent changer. On peut donc passer d’une organisation à une autre en fonction de remark ça s’y passe, de l’épanouissement personnel qu’on y trouve. C’est l’picture du colibri : je fais ma half, si chacun fait de même, on finira bien par changer le monde.
L’engagement se veut donc concret, pragmatique, avec une grande prévention : celle de ne pas se faire avoir par une construction défaillante. Animafac, que j’ai présidé, s’est créé dans ce second. Le fondateur de ce réseau d’associations étudiantes explique que l’objectif était d’inverser le rapport de l’appareil au militant, grâce à une construction possédant des fondamentaux très forts, mais succesful d’évoluer avec ses membres grâce à une structuration très horizontale.
En quoi la jeune génération actuelle ouvre-t-elle un nouvel épisode de cette histoire de l’engagement ?
On entre avec les 15-25 ans d’aujourd’hui dans une troisième ère, qui articule les deux premières et les dépasse. À la fois timbre et post-it. Leur engagement se définit toujours autour de grandes causes : le climat, l’égalité entre les femmes et les hommes, la lutte contre le patriarcat, contre la grande précarité, pour la dignité dans l’accueil des migrants… Mais avec un sens aigu de devoir changer le monde rapidement. Ils veulent le grand soir, mais tout de suite.
Leur ambition de transformation sociale est donc bien plus grande que dans la deuxième ère. Elle rejoint plutôt celle de leurs aînés de la première ère. Mais les 15-25 ans veulent voir le changement advenir. Il y a urgence, avec cette planète qui se réchauffe. Cette ambition est tellement grande qu’elle impose le retour du collectif. Seul, on ne changera rien. Mais le collectif peut être vecteur de transformation, à situation qu’il colle aussi aux aspirations individuelles de bien être et de valeurs que chacun se fixe. Sinon, ce n’est pas grave, on change de collectif.
Pourquoi parlez-vous d’un engagement radical ?
Ce qui caractérise cette troisième ère est une certaine radicalité, au sens où il faut vraiment prendre les choses à la racine. Les transformations visées sont tellement importantes qu’elles nécessitent des changements en profondeur. Un jeune que je cite m’explique : « Je suis né en 1997, c’est l’année du protocole de Kyoto. » Pour lui comme pour tous ceux de sa génération, deux choices s’offrent : soit rester chez soi et se replier sur sa sphère individuelle ; soit s’engager.
Pour les jeunes que j’ai rencontrés, ce deuxième choix n’a rien de pessimiste. Il s’agit de changer le monde, tout en poursuivant la recherche de son épanouissement personnel. Ils nous disent qu’ils n’arriveront peut-être pas à leurs fins. Au moins auront-ils essayé. Il n’en reste pas moins que l’éco-anxiété, les dépressions sont des maux connus dans leur génération.
Les jeunes que vous avez interrogés ne privilégient-ils pas l’engagement native, au détriment de causes nationales ?
Le second que nous vivons est dur, les crises se succèdent. Le native est rassurant. Il a le mérite d’apporter du concret. Pour rester engagé, on a incroyablement besoin de victoire. Je ne dis pas que ces succès sont impossibles au niveau nationwide, mais la société civile organisée, associative, syndicale, politique, a plus de prise au niveau native.
Quelles conséquences cette troisième ère a-t-elle sur le monde associatif comme sur tous les corps intermédiaires ?
Tout cela a bien évidemment des conséquences pour nos organisations. Le rapport qu’entretiennent ces très jeunes avec nos organisations comme l’ensemble des establishments est particulier. Les changements qu’ils ambitionnent sont si radicaux que les actions des establishments sont jugées insuffisantes, pas en rapport avec les enjeux et trop lentes. Cela peut créer une distance dans nos organisations : remark fait-on pour accueillir ces jeunes ? Quelles réponses leur offre-t-on ? Quel débouché politique peut voir le jour ? C’est une de mes préoccupations.
Je dis donc à nos acteurs associatifs : « Ne balayez pas leurs formes d’engagement et leurs aspirations d’un revers de la major. Leur sentiment d’urgence doit au contraire stimuler nos organisations. » À ces très jeunes, je répondrais : « Nos organisations sont sûrement trop lentes. Mais la radicalité implique de savoir d’où l’on vient. On ne peut pas vouloir prendre les choses à la racine sans connaître ces racines. On a besoin d’un dialogue entre les générations. Le projet de transformation globale que vous portez peut trouver un débouché politique grâce aux organisations de la société civile que sont les corps intermédiaires. »
En quoi le modèle associatif reste-t-il adéquat pour ces jeunes ?
Les 15-25 ans qui témoignent dans mon livre ne s’engagent pas forcément dans des associations, usent souvent des interstices. Mais ce qu’ils font fait affiliation. Ils portent des projets. Leurs modes d’motion ne percutent pas ceux des associations. On peut reprocher aux associations de s’être institutionnalisées. Mais je les pense suffisamment plastiques, agiles, pour accueillir tout le monde. Cela implique juste que les associations sortent de leurs actions en silos. Automotive le nouvel engagement porté par ces jeunes articule toutes les causes. Pour eux, il n’y a pas d’engagement pour l’écologie sans justice sociale, sans lutte contre les discriminations et la pauvreté, ni sans féminisme.
Pourquoi dites-vous que le problème pour cette nouvelle forme d’engagement est son manque de débouché politique ?
La conséquence de l’affaiblissement des corps intermédiaires, qui ne date pas d’aujourd’hui, est la perte de tradition politique. C’est flagrant pour ma génération. Nous n’avons pas été formés par des partis politiques, des syndicats, avec un référentiel, des courants de pensée structurés. La tradition politique d’aujourd’hui se fonde sur de l’expérience, sur des projets qu’on a portés, très ancrés dans le réel. C’est centré sur l’individu. Dès lors, remark parler la même langue, porter les mêmes grilles de compréhension, une tradition partagée qui nous permette de dégager des options, des horizons communs ?
Nos outils démocratiques apportent-ils des réponses ? Vous avez présidé la conference citoyenne sur la fin de vie, avec 184 citoyens tirés au type qui ont porté des propositions fortes au législateur. Cette forme de démocratie participative apporte-t-elle une réponse ?
On dépasse le sujet du livre, mais cette conference me donne beaucoup d’espoir. L’enseignement que j’en tire, c’est qu’il faut arrêter de prendre les gens pour des imbéciles. Il y a eu une envie incontestable de la half de ces citoyens tirés au type, quel que soit leur âge, de participer aux décisions qui les concernent, d’œuvrer pour l’intérêt général en dépassant leurs horizons personnels. Mais la démocratie participative se portera bien si l’on réhabilite les corps intermédiaires pour la faire vivre. En revanche, la démocratie élective et représentative ne se porte pas bien. On a besoin qu’elle soit forte. Mais elle n’y parviendra pas sans tenir compte des autres formes de démocraties, participatives, sociales.
« L’affiliation implique l’apprentissage du dialogue, du compromis, du dépassement. »
On a besoin de corps intermédiaires forts, tout comme on a besoin de l’éducation populaire. On les a malheureusement tellement ringardisés. Un travail de réhabilitation est à mener. Les associations ont toute leur place : elles sont souvent le premier lieu d’apprentissage de la démocratie. Leur modèle est easy : des gens qui ne pensent pas forcément comme moi s’allient avec moi pour réaliser un projet. L’affiliation implique l’apprentissage du dialogue, du compromis, du dépassement. On éprouve la démocratie comme ça. Dire le réel, produire des aspérités, poser le conflit, c’est le travail des associations. On a besoin de corps intermédiaires dans lesquels le conflit est construit, organisé, pour vivre ensemble.
S’engager. Remark les jeunes se mobilisent face aux crises, Les Petits matins, 112 pages, 14 euros