Les blocus du lycée Diderot de mercredi 19 mars et vendredi 21 mars ont-ils eu droit à un traitement particulier de la part des forces de sécurité ? C’est ce que pensent les représentants des personnels de l’établissement, les parents d’élèves, mais surtout les élèves qui ont participé aux actions comme ceux témoins des interventions musclées des forces de police.
Dans un communiqué commun publié dimanche 23 mars et signé par la FCPE et les syndicats éducation nationale de la FSU, de la CGT, de FO et de Solidaires, ils dénoncent « une présence policière massive et disproportionnée », ainsi que des « violences policières » commises à l’encontre de jeunes lycéens de ce quartier populaire du XIXe arrondissement de Paris.
Ces actions de blocage sont intervenues dans un contexte de mobilisations des professeurs du lycée Diderot, soutenus par les parents d’élèves et les élèves, contre la « relégation sociale et scolaire » dont s’estime victime la communauté éducative de ce lycée à la fois général et technologique. Lors d’une journée « lycée mort » organisée le jeudi 20 mars, particulièrement suivie, des moyens supplémentaires ont été revendiqués alors que l’établissement a connu quatre fermetures de classe et la suppression de deux spécialités entre 2023 et 2025, conduisant à une hausse des effectifs par classe, sans augmentation de nombre de postes de professeur.
Barrage symbolique
C’est pour devancer cette journée de mobilisation, mais aussi protester contre les coupes budgétaires du Pass culture entre autres revendications, qu’une quinzaine des lycéens de Diderot a entrepris d’installer un blocus, mercredi 19 mars. Peu après 7 heures, quelques poubelles sont installées devant l’entrée principale. Un barrage symbolique puisqu’il n’empêchait pas l’accès aux cours.
La suite est racontée par un professeur témoin visuel. « Plusieurs voitures de police étaient déjà garées à proximité, mais tout se passait pacifiquement. Vers 9 heures, un début de feu de poubelle a provoqué une intervention virulente des policiers. Un élève a été violemment poussé à terre. Un autre a été interpellé sans ménagement. Il y a eu quatre interpellations, dont trois se sont transformées en garde à vue. Les enfants parlent d’insultes et d’humiliations. Vu de l’établissement, l’action policière était effectivement très violente. Il n’y a qu’à voir les vidéos. »
Interrogée par l’Humanité, la préfecture de police de Paris indique qu’« un manifestant a mis le feu à une poubelle, qui a été immédiatement éteint par les policiers. Ceux-ci ont alors procédé à l’interpellation de l’individu. À cet instant, deux autres manifestants qui ont voulu s’opposer à cette intervention ont été interpellés. Un quatrième individu a été interpellé vers 11 heures suite à un outrage. »
Déploiement policier massif
Cette intervention « pour prévenir et faire cesser les troubles à l’ordre public » selon la Préfecture, est vécue comme un choc par les élèves. « D’autres blocus ont été organisés contre la baisse du Pass Culture dans des lycées du centre deParis, sans déploiement massif des forces de l’ordre », souligne le communiqué commun de la FCPE et des organisations syndicales, qui exige « des éclaircissements sur cette grossière différence de traitement ».
Le vendredi 21 mars, un nouveau blocus est organisé par une vingtaine d’élèves au lendemain de la journée « lycée mort », avec une revendication supplémentaire : faire cesser les violences policières. « La présence policière a été encore plus massive : dès 7 heures, il y avait en plus des policiers de la dernière fois des agents avec des chiens ou avec un lanceur de LBD. Et même le GSO (Groupement de soutien opérationnel) dont on a su après qu’ils étaient normalement déployés dans le cadre de l’antiterroriste ou pour les crimes », témoigne un autre professeur de Diderot.
« Les élèves ont été dégagés à coups de gaz lacrymogènes, de charges. D’autres ont été poursuivis dans les rues adjacentes. Une dizaine a été interpellée violemment, dont deux élèves porteurs de handicap », complète-t-il. Deux jeunes ont passé deux nuits au commissariat puis au tribunal. Sortis sans contrôle judiciaire, ils seront respectivement convoqués par un juge en mai et en septembre.
« C’est clairement disproportionné »
« Une centaine de jeunes non désireux de rentrer dans l’établissement sont venus faire face aux policiers et ont procédé à leur encontre à des jets de projectiles et de mortiers. (…) Suite à ces faits, les policiers ont réalisé 12 interpellations », explique de son côté la Préfecture de police de Paris, qui ne précise en revanche pas les raisons du déploiement du Groupement de soutien opérationnel dans le cadre d’un blocus lycéen organisé par des élèves mineurs.
« S’il y a des violences, il est normal que la police intervienne. Mais la proportionnalité de l’intervention policière pose question. Le premier blocus a été cassé brutalement. Le second, la place anti-émeute a été dépêchée. C’est clairement disproportionné, déplore Florence Gatineau, administratrice de la FCPE 75. Les enfants n’ont pas compris cette violence, pourquoi certains se sont retrouvés à terre, d’autres en garde à vue. Ils sont blessés d’avoir été traités d’une manière différente des autres enfants de leur âge ».
« Lundi, les élèves avaient à la fois envie de passer à autre chose et de parler aussi des brimades, humiliations et insultes subies. Ils sont très déçus et ressentent une perte de confiance vis-à-vis des adultes, explique un professeur du lycée. On a du mal à croire qu’une plainte auprès de l’IGPN (inspection générale de la police nationale) débouchera sur quelque chose. Pour sortir par le haut, on a donc décidé de saisir le Défenseur des droits. »
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