Ce mardi soir, les 7 000 salariés d’ArianeGroup avaient tous les yeux rivés vers le pas de tir de Kourou. Le premier lancement test d’Ariane 6 devait permettre à l’Europe de retrouver un accès autonome à l’espace. Mais l’envol de la fusée devait surtout récompenser le travail des personnels, qui ont subi de plein fouet les transformations industrielles imposées à marche forcée depuis quatre ans. Des salariés qui devront en plus soutenir les cadences d’un carnet de commandes bien rempli… si tout se passe bien.
Avec son Ariane 5 mise au rancart depuis un an, son petit lanceur Vega-C italien cloué au sol depuis fin 2022 et sa coopération avec les Russes stoppée net autour de la fusée Soyouz depuis l’invasion de l’Ukraine, le groupe européen a perdu de sa superbe.
D’autant qu’en parallèle, SpaceX, le lanceur réutilisable d’Elon Musk, s’est taillé la part du lion dans un secteur qui ne manque pas d’autres concurrents états-uniens (Boeing et Lockheed Martin, Jeff Bezos), indiens, japonais, chinois, ni même de start-up… italiennes, allemandes et françaises.
De nombreux défis à relever, avec des effectifs sous pression
Le salut d’Ariane passe donc par sa sixième fusée du nom, dont le programme a été lancé en 2014, mais dont la livraison survient avec quatre ans de retard. La modularité du lanceur nouvelle génération, à deux ou quatre boosters, pourvu du petit moteur Vinci réallumable et de propulseurs auxiliaires, doit lui permettre de placer sur différentes orbites plusieurs satellites au cours d’un même vol, du plus petit, de la taille d’une boîte à chaussures, au plus lourd de plusieurs tonnes. Tout cela dans un but : répondre au marché en forte expansion des lancements de constellations de satellites, tout en réduisant les coûts, les États membres de l’Agence spatiale européenne ayant prévu de diminuer leurs subventions.
C’est là qu’interviennent les salariés d’ArianeGroup. Car qui dit baisses des coûts dit baisses des effectifs. La société comptait 9 000 emplois en 2016. Le projet industriel de 2021, qui fixe un objectif de 5 000 équivalents temps plein d’ici à 2025, s’est mis en place en France il y a trois ans avec un plan de rupture conventionnelle collective supprimant 588 postes.
La direction du groupe a aussi pris le parti de mettre à plat les conditions sociales et salariales en vigueur, via une négociation sur un nouveau statut commun aux employés du groupe ; via aussi la mise en place de la nouvelle convention collective nationale de la métallurgie qui a pour particularité de baser le niveau de salaire non plus sur la qualification, mais sur le poste occupé.
« Les salariés ont été mis sous pression pour rattraper le retard dû au Covid et à la perte de savoir-faire (le programme Ariane 5 a été lancé il y a trente ans – NDLR). Certains jeunes ingénieurs ont connu des difficultés, faute de collègues expérimentés », décrit Marc Larribère.
L’élu CGT craint pour l’attractivité d’Ariane, à l’heure où Dassault et Thales proposent des postes en or. Pour répondre au carnet de commandes déjà bien garni de 29 lancements (dont 18 pour le compte d’Amazon), les syndicats s’inquiètent de la pression qui sera cette fois mise sur les sites de production. Ariane 6 doit très vite assurer 12 vols par an.
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