Nogent-sur-Oise (Oise), envoyé spécial.
Son histoire, tout le monde la connaissait dans le magasin. À la fin du mois, cela fera huit ans. Il aimait la narrer à ses collègues, des femmes en majorité. C’était presque le soir, ou pas encore la nuit. Dans la zone commerciale de Creil-Saint-Maximin (Oise), Ludovic passe en voiture devant l’enseigne Action, une grande surface néerlandaise qui, depuis ses premières implantations dans l’Hexagone en 2012, connaît un succès fulgurant en proposant des babioles toujours originales à prix cassés. Sur le moment, il hésite : ce n’est pas la bonne heure pour candidater, ça va fermer, il n’a plus qu’un CV sur lui, et même pas de lettre de motivation. Mais son épouse le pousse. Allez, allez : qui ne tente rien n’a rien.
Le lendemain matin, Ludovic prend son poste chez Action comme intérimaire. Quelques jours plus tard, il est en contrat de 24 heures par semaine. Puis, trois mois après, le voilà passé à temps complet : 35 heures. Au bout de deux ans, après une formation, il devient responsable adjoint de magasin, une fonction qui rapporte autour des 1 700 euros net chaque mois. « Il y a des possibilités chez Action, on peut grimper les échelons, progresser », glisse-t-il, en guise de morale de cette fable, jamais épuisée, toujours recommencée.
Puis, non. Dans la success story de Ludovic, d’autres sont venus saccager le happy end. Fin mars, il a reçu en main propre un courrier notifiant son « licenciement pour cause réelle et sérieuse ». Il est accusé d’avoir « causé un préjudice de 5,48 euros » au magasin Action de Nogent-sur-Oise, où il officie comme chef adjoint. « J’ai 54 ans, je pensais y rester jusqu’à la retraite dans huit ou dix ans, raconte-t-il. Là, c’est parti en cacahouète, j’ai été stoppé net, pour rien. »