L’attente semble interminable. Il faut dire que l’État ne fait rien pour accélérer le processus. L’unique pièce manquante au redémarrage industriel de la Chapelle Darblay, à Grand-Couronne (Seine-Maritime), est le prêt garanti par le gouvernement Castex en 2022. Le repreneur canadien Fibre excellence, en consortium avec Veolia, avait laissé à l’État jusqu’au 20 décembre pour officialiser son engagement, auquel cas il se retirait du projet. Ce vendredi, le ministère de l’économie a annoncé avoir obtenu de justesse le report de l’échéance de cinq mois. Une dernière chance pour l’usine qui se trouve donc entre les mains du prochain gouvernement.
Un fleuron de l’industrie française mis en sursis par l’État
Depuis bientôt trois ans, malgré l’approbation des autorités admiratives, le plan de financement n’est pas bouclé. « Il ne manque plus qu’un apport de l’État permettant d’atteindre un niveau de fonds propres suffisant pour lever la dette privée », indiquaient, mardi 17 décembre, dans un courrier commun à François Bayrou la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, le maire de Rouen et président de la Métropole Rouen-Normandie, Nicolas Mayer-Rossignol (Parti socialiste), et la maire de Grand-Couronne, Julie Lesage (PS). « Nous sommes deux années après la reprise et malheureusement les belles promesses qui ont pourtant permis d’arriver jusqu’ici sont passées à l’arrière-plan à travers la succession de ministres, de directeurs de cabinet et de délégués interministériels » estimaient-ils dans un précédent courrier envoyé mi-novembre.
Si par la voix de Jean Castex, l’État s’était engagé, les acteurs ministériels semblent aujourd’hui aux abonnés absents. Pourtant, la papeterie représente l’exemple idéal de réindustrialisation en économie circulaire vantée par Emmanuel Macron lors de la crise du Covid, en produisant du papier 100 % recyclé à partir de 480 000 tonnes de déchets par an, l’équivalent de ce que rejettent 24 millions d’habitants. En prime, le projet de réindustrialisation de l’usine prévoit de renforcer sa chaudière biomasse, permettant de chauffer les habitations de milliers d’habitations alentour.
Un projet arraché par la lutte
Voilà plus de cinq ans que les salariés de la papeterie se battent pour la réouverture de leur usine. Malgré le PSE signé le 14 février 2020, « une belle preuve d’amour » ironisait alors Cyril Briffault, secrétaire du syndicat CGT chapelle Darblay, les Pap Chap se sont organisés. Manifestations, pétitions, occupation du parvis du ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance à Paris. La réouverture de l’usine centenaire est devenue un projet commun entre syndicalistes et écologistes, dont Greenpeace et Attac, qui se sont unis à travers le collectif « Plus Jamais Ça ».
Ainsi, d’abord vouée par son propriétaire, la multinationale finlandaise UPM, à être vendue pour se transformer en projet hydrogène, la Métropole de Rouen in extremis use de son droit à la préemption en mai 2022. « Une première depuis la fin de la seconde guerre mondiale » assure Cyril Briffault. Soutenu par la Cgt et des élus locaux de tous bords, un projet de conversion du site voit le jour, porté par le géant du déchet français Veolia, et le leader canadien de la production de pâte à papier marchande. Un « projet modèle au service de l’économie circulaire » évoque Fibre Excellence, qui assure la création de 185 emplois directs petit à petit, à partir de 2027.
« Le devenir de l’usine de Chapelle Darblay est désormais dans les mains de l’État »
Une réunion s’est tenue, mardi 17 décembre, au ministère de l’industrie. Le montant total de la relance de l’usine s’élèverait à 245 millions d’euros. Mais une nouvelle option séparant les actifs énergie (la chaudière biomasse) et papetiers réduirait le prêt de l’État à 27 millions d’euros. « Pas un seul projet industriel de cette ampleur ne peut exister sans un accompagnement de l’État » prévient la CGT, comptant sur l’engagement du prochain gouvernement. « Le devenir de l’usine de Chapelle Darblay est désormais dans les mains de l’État et du ministère de l’industrie. L’urgence n’est plus aux tergiversations mais aux actes ! » exhortent les acteurs syndicaux et politiques dans le courrier commun.
« Vendredi, l’État a répondu positivement aux conditions fixées par Fibre excellence, notamment sur l’urgence d’agir rapidement, commente Cyril Briffault, avec ce report on a évité une catastrophe. Maintenant il est nécessaire que l’État agisse vite, la BPI (Banque publique d’investissement) n’est pas démissionnaire à ce que je sache, il suffit d’une signature. » Un signal clair de l’État est donc attendu prochainement sur l’avenir de ce fleuron de l’industrie française.
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