Une justice à la fois juge et partie ? L’audience qui se tient ce jeudi 7 novembre devant la 17e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris est pour le moins singulière : ses magistrats doivent en effet se pencher sur une plainte portée par deux de leurs pairs. Ces derniers, d’anciens chefs de cour du tribunal de Cayenne (Guyane), se sont constitués partie civile contre deux représentants CGT des chancelleries et services judiciaires, qu’ils accusent de diffamation.
Une mise en cause qui ne passe pas parmi les militants CGT du ministère de la Justice, dont une trentaine, rejointe notamment par leurs camarades de l’Union fédérale des syndicats de l’État (UFSE-CGT) et ceux d’Infocom-CGT, avaient battu le pavé toute la matinée sur le parvis du tribunal, avant l’ouverture de l’audience pour soutenir Fouad Yahyaoui, représentant du personnel à Cayenne, et Cyril Papon, le secrétaire général de la CGT des chancelleries et services judiciaires.
« On nous reproche de faire notre boulot de syndicaliste »
« Il ne s’agit rien d’autre que d’un conflit social, sans acte de violence ni aucune insulte, tout ce qu’il y a de plus classique. Il nous est simplement reproché de faire notre boulot de syndicaliste », pointe Cyril Papon, qui dénonce « une tentative d’intimidation », visant à étouffer les revendications syndicales.
À l’origine de cette plainte : une déclaration du syndicat rendue publique par voie électronique. Les faits remonteraient à un comité technique houleux qui s’est déroulé à Cayenne, le 4 février 2021, en présence des organisations syndicales et des chefs de cour, sur fond de climat de tensions attisées par la dégradation des conditions de travail pendant la période Covid, mais aussi, plus généralement, par les dégâts causés sur le quotidien des agents par la loi de transformation de la fonction publique de 2019.
À ces griefs se serait ajoutée la découverte d’amiante dans les locaux du tribunal judiciaire de Cayenne à l’occasion de travaux dans le bâtiment. Malgré la mise au jour dès 2019 par un rapport de ces poussières toxiques, la hiérarchie aurait fait preuve d’inertie avant de mettre en place les mesures adéquates de sécurité. L’exposé par le délégué du personnel de ces dysfonctionnements et de ses revendications liées notamment à la multiplication des cas de souffrances au travail et des risques psycho-sociaux aurait déclenché l’ire des chefs de cour présents à ce comité technique. Ils auraient quitté brutalement la table des discussions, coupant court à cet exposé et auraient peu goûté, par la suite, de découvrir la publication de cette même déclaration.
Concours zélé à la casse de la fonction publique
Que peut-on y lire ? « La casse de la fonction publique est de la responsabilité de l’administration et de ses fidèles représentants tels que les chefs de Cour de Cayenne », pointe notamment ce texte au ton incisif, qui met également en cause les sous-effectifs et le recrutement de contractuels et de vacataires, utilisés comme variables d’ajustement, « en lieu et place de fonctionnaires ».
Avec ce propos en guise de conclusion : « La justice en Guyane ne pourra bien se porter qu’après le départ de tous les potentats qui y sont affectés. »
« Ce qui leur a déplu, c’est que cette déclaration révèle le concours zélé dont ils ont fait preuve dans l’application de ce projet de casse de la fonction publique imposée par les gouvernements successifs », décrypte Cyril Papon, entre exaspération et lassitude. « Ces procédures judiciaires abusives occupent l’esprit, sont chronophages, alors même que l’on devrait consacrer notre temps à la situation des agents du ministère de la Justice qui vont très mal. Ce qui se passe en ce moment est effrayant avec une multiplication des risques psychosociaux et de suicides. Au lieu d’apporter des solutions à cette situation catastrophique, on envoie les syndicats devant un tribunal », dénonce le syndicaliste.
La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet a récemment dénoncé la multiplication des poursuites de responsables syndicaux issus de son organisation. Une situation qui, à ses yeux, témoigne d’un « contexte de répression antisyndicale inédit depuis l’après-guerre ». Au moins 17 secrétaires généraux d’organisations CGT auraient ainsi été au cours des derniers mois convoqués du fait de leur qualité de secrétaire général ou auraient fait l’objet de poursuites, et plus de 1 000 militants de la CGT seraient poursuivis devant les tribunaux.
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