Au siège de Valeo, à Créteil (Val-de-Marne), la direction de l’équipementier automobile ne s’attendait pas à entendre un tel barouf sous ses fenêtres, ce mercredi matin. Alors que se tenait, vers 10 heures, un comité social et économique (CSE), une cinquantaine d’ouvriers travaillant sur le site de Saint-Quentin-Fallavier (Isère) ont déboulé en fanfare, accoutrés de tee-shirts floqués du message « Valeo délocalise ». En novembre 2024, les salariés apprenaient la suppression de 238 emplois sur leur site, qui en compte actuellement 308, faute de repreneur. Il ne restera donc que 70 salariés dans cette usine.
Parmi eux, Abdel, très inquiet de voir ses conditions de travail encore dégradées, tandis qu’un climat « très anxiogène » y règne déjà depuis juillet. Pour l’heure, 38 postes sont concernés par des départs volontaires. Pour les autres : licenciements secs. SUD et la Confédération autonome du travail (CAT), syndicats meneurs de l’action, bien qu’ils ne soient pas représentatifs, demandent que les méthodes de calcul d’indemnités légales et supralégales soient réévaluées de manière à les aligner sur celui des ingénieurs et cadres.
En grève pour au moins trois jours, les salariés qui ont fait le déplacement ce 26 février dénoncent également les propositions de la direction quant aux 60 ouvriers, encore en poste, qui ont été exposés à l’amiante sur le site avant 1996, année du désamiantage.
C’est le cas de Georges, trente-quatre ans d’ancienneté, qui aurait pu très bientôt partir en préretraite et percevoir une prime compensatoire, en dédommagement. En l’état, s’il refuse son reclassement sur un autre site – le plus proche étant à 200 kilomètres de Saint-Quentin-Fallavier –, cette prime ne lui sera pas versée. Les fibres d’amiante peuvent être à l’origine de maladies graves, telles que le cancer du poumon, même quarante ans après l’exposition.
Contestation des licenciements aux prud’hommes
Seulement quelques minutes après leur arrivée à Créteil, les grévistes se sont vu proposer des cafés et jus d’orange par la direction, qui a accepté de recevoir une délégation de cinq personnes. À 11 heures, ces cinq salariés ont donc été reçus afin d’exposer leurs revendications. En face, la DRH de Valeo, Sandra Milot, et Thierry Kalanquin, vice-président de Valeo Power, ont fait mine d’entendre ces demandes selon Serge Gonnellaz, délégué syndical SUD industrie, sans pour autant les convaincre.
À la table des négociations, FO, la CFE-CGC, la CFDT et l’Unsa ne vont pas assez loin, regrettent SUD et la CAT. « Pourtant, ils ont comme moyen de pression une expertise démontrant que ce plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) n’est pas justifié », souligne Serge Gonnellaz. Tandis que l’avocat en droit du travail Fiodor Rilov répond aux questions des manifestants devant les grilles du bâtiment, il a déjà enregistré près de dix demandes de personnes souhaitant contester leur licenciement aux prud’hommes. Et d’autres devraient suivre. « Il s’agirait de contester la justification économique de Valeo. Ces profits sont le fruit du travail de salariés qui vont perdre leur emploi. L’équipementier se justifie par un environnement concurrentiel, mais c’est une excuse pour délocaliser », explique-t-il à l’Humanité.
En effet, sur le site isérois, ces suppressions d’emplois découlent d’un déplacement de la nouvelle production, le moteur DMG hybride, en Turquie. Au total, Valeo compte sabrer 868 postes sur huit de ses sites français, sans préciser l’échéance, dont 694 départs contraints et 174 départs volontaires, et fermer les sites de La Suze-sur-Sarthe (Sarthe) et La Verrière (Yvelines). Selon le syndicat Force ouvrière (FO), le total serait en fait de 1 282 suppressions de postes, sur 13 500 salariés en France, si les salariés refusent leur transfert et si l’on prend aussi en compte des postes vacants supprimés. « Nous refusons d’être de simples variables d’ajustement au profit d’actionnaires qui n’ont jamais connu la réalité du travail », fustige le syndicaliste Serge Gonnellaz.
Aux côtés de celles et ceux qui luttent !
L’urgence sociale, c’est chaque jour la priorité de l’Humanité.
En exposant la violence patronale.
En montrant ce que vivent celles et ceux qui travaillent et ceux qui aspirent à le faire.
En donnant des clés de compréhension et des outils aux salarié.es pour se défendre contre les politiques ultralibérales qui dégradent leur qualité de vie.
Vous connaissez d’autres médias qui font ça ? Soutenez-nous !Je veux en savoir plus.