Pendant plusieurs jours, la question a tourné dans leur tête de façon lancinante : « Pourquoi ? » Au terme de dix-huit mois de formation, quatre inspecteurs du travail stagiaires (ITS) apprennent, le 8 juillet, que la commission chargée de statuer sur leur titularisation a émis un avis défavorable. En d’autres termes, ils pourraient être licenciés. Aucun avertissement, ni signe avant-coureur pendant cette année et demie de travail soutenu n’auraient pu leur laisser envisager une telle issue.
Trois d’entre eux ont témoigné auprès de l’Humanité, tous décrivent le même scénario brutal, le même désarroi. Le 8 juillet, au moment où ils franchissent le portique de leur école — l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (Intefp) à Marcy-l’Etoile, près de Lyon —, l’agent d’accueil les informe qu’un courrier les attend au service pédagogique. Il s’agit d’une convocation, le jour même, dans le bureau du directeur de l’école, Hervé Lanouzière, qui leur annonce la nouvelle. Aucun motif n’est alors avancé.
« On échafaude des hypothèses, sans trouver d’issue »
« Un abîme s’est ouvert sous mes pieds. Quand j’ai eu la convocation entre les mains, j’étais à mille lieues de penser que j’allais vers une non-titularisation », résume Ludivine*, l’une des quatre stagiaires, qui décrit la même stupeur chez l’une de ses directrices de stage quand elle lui a appris la nouvelle. « C’est un coup à devenir parano. On échafaude des hypothèses, sans trouver d’issue », raconte pour sa part Sébastien*, un autre stagiaire, qui ne peut se résoudre à voir l’argent investi par l’État dans leur formation partir de façon aussi absurde en fumée.
Angélique*, une collègue de promotion qui, elle, a été titularisée, évoque « une incompréhension totale parmi les autres membres de la promo », dont nombre d’entre eux se sont mobilisés pour les soutenir. « D’autant qu’on nous avait fait comprendre qu’une fois la première année validée, le reste serait une formalité », ajoute-t-elle. De fait, les refus de titularisation seraient, selon Simon Picou, membre du bureau national de la CGT-TEFP (Travail, emploi, formation professionnelle), extrêmement rares et n’auraient jamais pris une forme aussi massive et expéditive.
« Une volonté de faire des exemples »
Alors pourquoi ? Sollicitée par l’Humanité, la direction de l’école n’a pas répondu à nos questions. La transmission aux quatre stagiaires de leur dossier, dix jours avant la tenue, le 8 août, d’une commission administrative paritaire (CAP) — composée de représentants syndicaux et de membres de l’administration, qui doit infirmer ou confirmer l’avis du jury —, a peu atténué l’état de sidération générale.
« Les dossiers sont vides. Il y a des effets de loupe sur des remarques négatives liées à des problèmes ponctuels avec la hiérarchie, lors de certains stages. Or, il est normal que des encadrants émettent des avis nuancés et critiques », analyse ainsi Léo*, un troisième ITS non-titularisé qui, à l’unisson de ses camarades et de l’intersyndicale mobilisée pour les soutenir, s’interroge sur des coïncidences troublantes qui ajoutent au malaise et au sentiment d’arbitraire.
À commencer par cette exacte parité chez les ITS non-titularisés : deux hommes, deux femmes, issus chacun d’un des quatre types de concours ouvrant accès la formation. Parmi eux, trois militants de la CGT, qui avaient porté plusieurs revendications, et un stagiaire avec la reconnaissance de travailleur handicapé, qui avait pointé auprès de la DRH les failles de l’école dans sa politique d’adaptation au handicap.
Pour Léo, pas de doute : « Il y a une volonté de sanction collective, tout en ciblant des profils plus vulnérables en raison de l’isolement géographique de leur stage d’affectation. » « Nous pensons en effet qu’il y a une volonté de faire des exemples dans une promotion qui s’était fortement mobilisée sur les conditions d’études », abonde Simon Picou, qui dénonce par ailleurs la tenue précipitée de cette CAP, prévue à l’origine fin août et qui se tiendra au milieu des congés et en distanciel. « L’avis de cette commission reste de toute façon consultatif », tempère toutefois le syndicaliste. Le sort des quatre stagiaires est en effet suspendu à la décision de la ministre du Travail, qui tranchera en dernier ressort.
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*Les prénoms ont été modifiés