Aux frontières de l’Europe, en mer ou sur terre, ils sont des dizaines de milliers à faire ce qui leur semble juste : offrir un repas, un logis, une aide pour se déplacer, secourir ceux qui risquent la noyade ou les violences de forces de sécurité régies par des politiques xénophobes et violentes. Pour ces citoyens européens, l’humanité est une évidence.
Loin des discours identitaires basés sur la peur de l’autre, ils agissent au quotidien pour faire évoluer les mentalités et tendre concrètement la main. Ils sont l’Europe solidaire, fraternelle et accueillante que les droites libérales ou autoritaires tentent de faire disparaître au profit du projet d’Europe forteresse. Elles et ils résistent.
Giacomo Sferlazzo : Artiste italien engagé pour la construction d’espaces fraternels de rencontres
Artiste et marionnettiste, Giacomo Sferlazzo a choisi de vouer son engagement au réveil des consciences. À Lampedusa, la porte de l’Europe, ce barbu au regard noir organise régulièrement débats et rencontres politiques au cours desquels il ne mâche jamais ses mots à l’encontre des logiques racistes et sécuritaires de Giorgia Meloni, la présidente du Conseil des ministres italien, ou de l’Union européenne (UE).
« Je crois que c’est une institution antidémocratique et antipopulaire, confie-t-il à l’Humanité, une semaine avant les élections européennes. Nous devons travailler à la construction d’un espace politique, économique et culturel méditerranéen et à une nouvelle structure mondiale multipolaire. Lampedusa doit devenir le centre de la Méditerranée et non la périphérie militarisée de l’UE. »
Pour cet artisan infatigable du lien social, cofondateur de Porto M, un lieu alternatif et culturel conçu comme une sorte de musée rendant compte du passage des exilés sur cette terre insulaire, « les gens doivent être libres de pouvoir rester dans leur propre pays sans être bombardés ou pillés, et de voyager par des voies régulières sans risquer leur vie et sans devenir les nouveaux esclaves de l’UE ».
Sans quoi, « l’UE doit être mise au rebut », lâche l’homme dont le regard empli de dureté ne saurait cacher sa douceur d’âme.
Gaëlle Henkens, travailleuse sociale belge, est devenue reporter d’images de l’exil
Travailleuse sociale en Belgique, cette photo-reporter autodidacte considère son engagement dans l’action humanitaire comme un geste politique. « C’est ma manière de dire ”bienvenue” », insiste la joviale quadragénaire engagée depuis quatre ans au sein des Pilotes volontaires.
À bord d’un petit avion, les bénévoles de l’association observent les traversées d’exilés partis des côtes africaines pour signaler les canots en détresse aux centres de secours en mer. « L’association m’a d’abord sollicitée pour un reportage photo sur son action, explique Gaëlle Henkens. Aujourd’hui, j’en suis un membre actif à part entière. »
Et son engagement ne s’arrête pas là. Durant l’hiver 2024, elle a accompagné en Tunisie un groupe de chercheurs de l’université de Gênes. « J’ai pu documenter les déportations dans le désert des personnes à la peau noire interceptées en mer ou se promenant simplement dans les centres-villes, affirme la jeune femme. Les autorités tunisiennes ont mis en place un véritable système raciste et violent d’éloignement des exilés. »
Pour elle, l’ascension de l’extrême droite au sein de l’Union européenne (UE) se fonde sur une idéologie déconnectée de toute rationalité. À ses yeux, le scrutin du 9 juin doit permettre d’endiguer les dérives xénophobes des États membres de l’UE.
En France, Claire Millot vient en aide aux exilés bloqués à la frontière franco-britannique
Professeure de lettres dans le nord de la France, Claire Millot a choisi, au moment de la retraite, de s’investir dans le monde associatif. « J’aurais pu rejoindre les Restos du cœur ou une toute autre association de solidarité, explique la septuagénaire, mais j’ai choisi de m’engager auprès de Salam parce que les exilés doivent être considérés comme des êtres humains à part entière et que ce n’est pas le cas. »
Chrétienne de par sa culture familiale, elle a pris petit à petit, de petits déjeuners distribués en maraudes solidaires dans la région de Dunkerque, des responsabilités au sein de l’organisation jusqu’à en devenir secrétaire générale. « J’ai abandonné l’idée que Dieu s’occupait de nous et j’ai décidé d’agir concrètement, confie Claire Millot. Jusqu’ici, je n’ai jamais eu peur, mais aujourd’hui, la montée de l’extrême droite partout en Europe m’inquiète beaucoup. »
Pour cette retraitée active, la solution réside dans la population qui, confrontée aux réalités, a le pouvoir de réveiller l’espoir. « La solidarité et la démocratie sont des bases communes aux peuples européens », veut-elle croire, en espérant qu’ils s’en souviennent ce 9 juin.
Face à l’extrême droite, ne rien lâcher !
C’est pied à pied, argument contre argument qu’il faut combattre l’extrême droite. C’est ce que nous tentons de faire chaque jour dans l’Humanité.
Face aux attaques incessantes des racistes et des porteurs de haine : soutenez-nous ! Ensemble, faisons porter une autre voix dans ce débat public toujours plus nauséabond.Je veux en savoir plus.