Aucun article dans les médias français. Aucun écho en métropole, aucun tweet d’un Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur d’ordinaire si prompt à soutenir ses forces de l’ordre, qui a mis en scène récemment l’arrivée des blindés sur le Caillou. Pourtant, samedi soir, un policier a été roué de coups à Nouméa, sur un barrage érigé par des miliciens anti-indépendantistes, dans le quartier de Tuband. Un adjoint de la police nationale, plus précisément, qui rentrait de son service à pied, chez son grand-père, selon les informations révélées par la chaîne Nouvelle-Calédonie la Première. Son tort ? Être kanak.
Lorsque le jeune homme, en civil, est arrivé sur l’un des barrages, aux alentours de 19 h 30, plusieurs personnes l’ont pris à partie et l’ont interrogé. Le jeune homme, fraîchement promu de l’école de police, a décliné son nom et sa profession. Personne ne l’a cru : il semble impossible, pour eux, d’être kanak et policier. Ils appellent en renfort des miliciens en 4X4, dont la plaque d’immatriculation est cachée. De véritables patrouilles qui « chassent du kanak » et sont souvent armés : ce sont ces miliciens qui depuis le début des révoltes sont impliqués dans la mort d’au moins trois jeunes kanak.
Un chef de file des anti-indépendantistes impliqué
Le jeune policier est mis à terre, roué de coups par les hommes venus en 4X4. Il est blessé au bras et à la jambe, mais réussit à joindre ses collègues. Lorsque les policiers arrivent sur les lieux, les deux véhicules prennent la fuite. Mais l’un des deux est rattrapé par la police. Surprise : sur les lieux, l’un des protagonistes n’est autre que Gil Brial, second vice-président de l’Assemblée de la Province sud, membre du Congrès.
Un poids lourd de la droite anti-indépendantiste, proche de Sonia Backès, la cheffe de file des anti-indépendantistes qui fut ministre d’Emmanuel Macron. Celui-ci confirme aux policiers avoir été appelé par les personnes tenant le barrage. Mais que fait donc un élu tel que Gil Brial dans un 4X4 non immatriculé, qu’on appelle en renfort quand on trouve un kanak qui se dit policier, ce qui semble pour ces miliciens forcément suspect ?
Celui-ci a minimisé les faits, pointant des « insultes » de la part du jeune policier kanak, qui aurait simplement été « ceinturé ». Mais l’affaire prend désormais une tournure politique : la coalition Les Loyalistes, qui réunit la droite anti-indépendantiste et dont fait partie Gil Brial, a réagi rapidement via un communiqué.
Celui-ci témoigne de leur fébrilité : il cible d’abord… la chaîne Nouvelle-Calédonie la Première, accusée de « reportage à charge ». Le média est pris à partie avec une rare virulence : « Nous considérons que NC 1ère est directement responsable de sa mise en danger (de Gil Brial, NDLR) et qu’elle sera complice de toutes actions réalisées contre sa personne, ses proches ou ses biens. »
Puis la droite accuse jeune policier lui-même, affublé du titre de « policier indépendantiste ». Surtout, ce communiqué donne son nom, Adrien Fochi, alors que nulle part il n’en a été fait mention, notamment dans le reportage de la chaîne. Comment l’ont-ils obtenu ? Mystère. Mais si le texte publie ce nom, c’est parce qu’il n’est pas inconnu sur l’archipel. Le communiqué verse dans l’insinuation et l’amalgame : « Adrien Fochi, du même nom que Dominique Fochi, coleader de la CCAT ».
En réalité, Dominique Fochi est secrétaire général de l’Union calédonienne, l’une des deux composantes principales du FLNKS, présent en France depuis près d’un mois dans le cadre d’une délégation indépendantiste. Ce serait donc lui qui aurait tout fomenté.
Celui-ci, en attendant une réponse argumentée, indique simplement « ne pas avoir envie de se mettre à un niveau si bas » et ne pas avoir à se justifier dans une affaire avec laquelle il n’est en rien impliqué. Une affaire qui n’en est qu’à son commencement : le jeune policier kanak a porté plainte, et le procureur de la République a confirmé avoir ouvert une enquête.
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