La fin du suspens, après le rachat de l’enseigne Cora par Carrefour en juillet dernier, ressemble à une pluie de mauvaises nouvelles pour les salariés. La fermeture du siège de Croissy-Beaubourg (Seine-et-Marne) entraînera 284 licenciements, tandis que 84 postes seront supprimés au sein de la centrale d’achat alimentaire Provera. La négociation de l’accord de méthode pour le « plan de sauvegarde de l’emploi » (PSE) débutera lors du Conseil Social et Économique (CSE) du 7 novembre prochain.
La direction a indiqué la mise en place de 118 postes de reclassement au siège de Carrefour à Massy (Essonne) sur des fonctions équivalentes. Des propositions qui impliquent néanmoins une mobilité géographique des salariés, ce que déplore Cyrille Lechevestrier, représentant syndical CFTC au CSE central.
Des reclassements incompatibles avec les postes disponibles
Carrefour a également affirmé qu’un reclassement serait proposé à chaque salarié dont le poste est supprimé. Toutefois, les postes disponibles risquent de ne pas correspondre aux compétences des personnes concernées explique le délégué CFTC : « Les salariés sur sites sont majoritairement des cadres accomplissant des tâches administratives, alors qu’en magasin, il s’agit de profils commerciaux. Ce ne sont pas les mêmes métiers, ni les mêmes niveaux de rémunération. Entre 220 et 240 personnes risquent donc de se retrouver au chômage. »
Lors du rachat en juillet dernier de 60 établissements Cora et 115 magasins Match, Alexandre Bompard, PDG de Carrefour, avait pourtant cherché à rassurer les salariés des deux enseignes en promettant de les « préserver et (de les) développer », comme le rappelle la CFDT dans un communiqué. Ces annonces n’avaient guère convaincu les syndicats, déjà inquiets de la perspective de suppressions de postes. « Carrefour nous disait que rien n’allait changer pour nous, tout en prévoyant des millions d’euros d’économies avec ce rachat. On n’est pas dupes : on sait où ils vont trouver cet argent », déclare Cyrille Lechevestrier.
Ces coupes dans les effectifs interviennent alors même que Carrefour a fait savoir le 23 octobre que le groupe a atteint « son meilleur niveau de compétitivité depuis 2020 », avec un chiffre d’affaires en hausse au troisième trimestre 2024, « grâce à l’intégration des deux enseignes Cora et Match ». Cette acquisition a permis à Carrefour de gagner 2 % de parts de marché dans le secteur très concurrentiel de la grande distribution, tout en renforçant sa présence dans le Grand Est et le Nord de l’Hexagone, où les deux enseignes sont particulièrement bien implantées.
Les syndicats craignent davantage de licenciements
Les représentants syndicaux craignent désormais que la casse sociale continue pour les 16 000 salariés de Cora. En effet, la décision de l’Autorité de la concurrence attendue pour le premier semestre 2025, pourrait entraîner la fermeture de certains magasins. Selon les règles en vigueur, un même groupe ne peut en principe pas détenir plus de 50 % des surfaces de grande distribution ni 30 % des parts de marché alimentaire dans un rayon de 30 minutes en véhicule motorisé. Le rachat de Cora et Match par Carrefour pourrait enfreindre ces limites dans certaines zones.
Cyrille Lechevestrier redoute également que certains sites logistiques ne soient fermés en raison de leur proximité géographique avec des plateformes Carrefour. Daniel Delalin, délégué syndical FO, tempère toutefois cette appréhension en rappelant que les sites logistiques de Cora devraient permettre à Carrefour de renforcer son maillage territorial, dans une zone où le groupe n’était pas très présent jusqu’alors.
Les deux élus du personnel attendent enfin des garanties de la part de la direction concernant d’éventuels recours à la location-gérance, un modèle largement utilisé par Carrefour. Ce système qui consiste à confier à un tiers l’exploitation du magasin en échange d’une redevance, tout en laissant à Carrefour la propriété du fonds de commerce, peut nuire aux conditions de travail des salariés.
La nouvelle direction du magasin a alors la possibilité de remettre en cause les accords d’entreprise préexistants et d’en négocier de nouveaux. « Pour les employeurs, la location-gérance c’est l’avenir de la grande distribution, mais notre syndicat est totalement opposé à cette remise en cause de nos acquis sociaux » affirme Daniel Delalin, délégué syndical FO au CSE central de Cora.
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