C’est gagné. Et même triplement gagné. À la quasi-unanimité des actionnaires du groupe Vivendi, la famille Bolloré a obtenu ce lundi l’autorisation de couper en quatre la puissante holding présente dans les médias, la communication, l’édition et les loisirs. Un succès capitalistique qui se doublera d’une belle manne financière et d’un contrôle accru sur toutes ces sociétés.
Vincent, déjà quatorzième fortune de France selon Challenges (11 milliards d’euros), ainsi que ses héritiers et administrateurs Cyrille, Yannick, Marie et Sébastien, devraient en effet retirer de cette manœuvre un joli pactole estimé à un milliard d’euros. Car devenus indépendants, Canal Plus (chaînes payantes et plateforme d’agrégation de programmes), Havas (communication et publicité) et Louis Hachette Group (comprenant les 66,5 % de Vivendi dans Lagardère SA et les 100 % de Prisma Presse) devraient être introduits en Bourse à partir de lundi 16 décembre.
Diviser pour mieux régner
La première société à Londres. La deuxième, renommée Havas NV et de nationalité néerlandaise, à Amsterdam. Toutes deux conservant, c’est promis, leurs sièges et résidences fiscales en France. La troisième serait accueillie par l’Euronext Growth de Paris, dédié aux petites et moyennes entreprises, sociétés en quête d’argent pour grandir. La holding Vivendi demeurera dans le CAC 40.
« Si vous avez une action Vivendi, vous recevrez une action Canal Plus, une action Havas et une action Louis Hachette Group, et vous garderez votre action Vivendi », dont le cours s’ajustera, expliquait la plaquette fournie aux petits porteurs. Simplicité de la démarche. Et simplicité de l’argument sonnant et trébuchant : le conglomérat Vivendi SE, avec toutes ses activités en son sein et ses 73 000 employés, pèse près de 8,9 milliards d’euros à son cours de Bourse actuel.
Débités en quatre tranches, tous ses actifs vaudraient autour de 16 milliards d’euros, faisait miroiter Yannick Bolloré dans les Échos. Les séparer, « c’est la voie qui permet de créer de la valeur pour l’ensemble des actionnaires », assurait hier le président du conseil de surveillance de Vivendi.
Bien sûr, l’opération serait bénéfique aux trois sociétés indépendantes. Elles trouveront en Bourse de quoi se développer dans l’intelligence artificielle pour Havas, dans des acquisitions à l’international pour Louis Hachette Group et Canal Plus, en voie de rachat du groupe sud-africain de télévisions payantes MultiChoice.
Sans attendre le feu vert des actionnaires de Vivendi, la direction du groupe Canal Plus a multiplié ces derniers jours les « signaux » à ses futurs actionnaires britanniques. L’annonce jeudi dernier du retrait de ses quatre chaînes payantes (Canal Plus, Canal Plus Cinéma, Canal Plus Sport, Planète) de la TNT, à partir de juin 2025, constitue certes une vengeance à l’encontre du refus de l’Arcom, gendarme de l’audiovisuel français, de renouveler la fréquence de C8. C’est surtout un moyen de réaliser une vingtaine de millions d’économie.
Et comme si ça ne suffisait pas, un plan social va s’abattre sur les salariés, avec 150 postes supprimés à C8 (CDI, CDD, pigistes et intermittents) et une centaine dans le reste du groupe. « Nous sommes en total désaccord avec ces décisions. De plus, aucun argument économique ne justifie ce plan social « additionnel » », a réagi, vendredi dernier, l’intersyndicale CGT, CFE-CGC, CFDT et + Libres, qui appelle la direction à « revenir sur ses décisions ».
Bolloré, nouvel actionnaire majoritaire des quatre sociétés scindées
Toutes ces grandes manœuvres ne visent pas seulement à gonfler toujours plus le patrimoine financier des Bolloré. Elles leur permettront aussi de resserrer leur contrôle direct sur les quatre sociétés scindées. Mécaniquement, l’opération fera passer la part du groupe familial dans Vivendi de 29,9 % à 31,04 %, sans avoir à lancer une offre publique d’achat (OPA). Idem concernant Canal Plus à Londres, où l’investisseur étranger est exempté de l’obligation d’OPA.
Quant à la Bourse d’Amsterdam, elle offre à Vivendi des droits de vote quadruples alors que la société ne possédera que 31 % du capital. Libre ensuite à la famille Bolloré « de faire évoluer sa détention dans les sociétés qu’elle contrôle sans que cela ne bénéficie aux autres intérêts minoritaires », dénonçait Phitrust, société de gestion opposée à la découpe.
Si l’opération s’est déroulée sans anicroche au Théâtre des Folies Bergère où s’est tenue l’assemblée des actionnaires, elle n’est pas allée de soi au-dehors, où des militants du collectif d’associations environnementalistes et citoyennes ont déployé leur campagne « Désarmer Bolloré ». « Cette AG, c’est la convergence entre l’empire industriel et médiatique de Bolloré et son positionnement politique : celui de la propagation d’une extrême droite conservatrice aux idéologies racistes, néocoloniales, sécuritaires et climato-négationnistes », soulignait l’appel à manifester.
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