Dans le roman « 1984 » de George Orwell, les mots eux-mêmes ont été vidés de leur sens pour empêcher les citoyens d’y voir clair. C’est ainsi que le ministère chargé de faire régner le mensonge s’appelle ministère de la Vérité ; celui qui s’occupe de faire la guerre est nommé ministère de la Paix, etc. La réalité est en passe d’imiter la fiction : au moment de perdre, vendredi 28 février, un des canaux de diffusion de ses idées avec C8, l’extrême droite, ennemie de toujours des libertés syndicales et démocratiques, crie à la censure et se pose en défenseure de la libre expression. Sarah Knafo, l’eurodéputée du parti d’Éric Zemmour, sonne la charge aux côtés de Cyril Hanouna contre l’Arcom, l’autorité de régulation audiovisuelle (l’ex-CSA), et contre le Conseil d’État. En cause : le rejet du recours de C8 contre la suspension de son autorisation d’émettre. Un jugement « liberticide » derrière lequel se cache la main de la gauche, à en croire l’élue du parti xénophobe.
Première contre-vérité. La suspension de C8 par l’Arcom (à l’instar de celle de NRJ 12) n’est en fait que la conséquence des manquements répétés de la chaîne à ses obligations, manquements constatés à la suite de signalements de téléspectateurs auprès de l’autorité indépendante des pouvoirs publics. Le groupe Bolloré ne peut guère plaider la surprise : pas moins de 28 sanctions graduées (mises en garde, mises en demeure, amendes) ont été prononcées contre C8 avant d’en arriver là. Deuxième contre-vérité, le Conseil d’État n’a fait que son travail en vérifiant la légalité de la décision de l’Arcom, à la demande de C8 elle-même. Cela n’empêche pas les médias Bolloré de porter de graves accusations de partialité contre la haute cour administrative.
Mais examinons plutôt de quelle « liberté » C8 et Sarah Knafo se plaignent d’être privés. La liste des « dérives » de la chaîne motivant la décision de l’Arcom est édifiante : attouchements sexuels à l’antenne (en 2016 et 2023), homophobie (2017), diffusion de reportage falsifié (2019), présentation mensongère de sondage électoral (2021), propos insultants contre des élus (2022), mensonge sur la qualité des invités à l’antenne (2023), propagation de théorie complotiste (2023), ingérence dans la campagne législative (2024). Et ce n’est là qu’un aperçu des manquements divers à l’honnêteté et la rigueur de l’information, au respect du pluralisme et des droits de la personne. Voilà la « liberté » bafouée selon Sarah Knafo : celle de désinformer, de tronquer, de falsifier.
Quant à la victimisation de l’extrême droite, on rit jaune : jamais ses idées nauséabondes n’ont autant envahi les écrans et les ondes, portées par une poignée de milliardaires propriétaires de médias. Ils n’ont plus C8, mais il leur reste CNews, Europe 1, « le Journal du dimanche » et bien d’autres. Quel courant d’idées dispose d’autant de canaux en France ? Hanouna, le bouffon du roi Bolloré, le dit lui-même : après l’extinction de C8, « ils risquent de me voir encore plus à la radio et à la télé ».
La « liberté » selon l’extrême droite n’est rien d’autre que le paravent de l’intolérance, comme lorsqu’elle détourne la « laïcité » au service de son projet raciste. C’est le même combat que celui de l’Amérique trumpiste du vice-président des États-Unis J. D. Vance, venu défendre à Munich la « liberté » des militants anti-IVG, misogynes, islamophobes et xénophobes contre les règles de l’État de droit en Europe. Au nom de la « liberté », Sarah Knafo, tout comme la cadette des Le Pen, Marion Maréchal, menace ainsi « Libération » et « l’Humanité » de couper les fonds publics pour le pluralisme de la presse, et de privatiser le service public audiovisuel. La « liberté » selon Knafo et Le Pen, c’est celle du marché roi où les idées du plus riche gagnent toujours, au mépris de l’intérêt public et de la démocratie.
Face à l’extrême droite, ne rien lâcher !
C’est pied à pied, argument contre argument qu’il faut combattre l’extrême droite. Et c’est ce que nous faisons chaque jour dans l’Humanité.
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