Le dépôt d’une motion de censure par Mathilde Panot, présidente du groupe FI et le communiste André Chassaigne, président du groupe GDR, aura eu le mérite de mettre en lumière le peu de cas que le gouvernement fait du Parlement.
Elle a été rejetée ce lundi 3 juin par l’Assemblée nationale, n’ayant obtenu que 222 voix sur les 289 requises. « Vous voulez modifier le budget du pays pour retirer 20 milliards d’euros, sans qu’à aucun moment notre Assemblée ne puisse ni voter ni même en débattre. Même le 49-3 ne vous suffit plus ; Vous préférez ne plus soumettre de budget du tout », a attaqué Matthias Tavel, député FI qui a présenté la motion.
Pour rappel, le 19 février dernier, le gouvernement avait procédé par décret à 10 milliards d’euros de coupes. « Un milliard d’euros en moins pour la rénovation énergétique des logements (…) 690 millions d’euros amputés à l’enseignement scolaire pour des dépenses de personnels », a accusé le parlementaire communiste Jean-Marc Tellier.
« Dix milliards d’euros risquent aussi d’être annulés en fin d’année 2024 »
« Dix milliards d’euros risquent aussi d’être annulés en fin d’année 2024, comme le laisse présager l’accroissement du surgel budgétaire, et ça n’est rien comparé aux 20 milliards – au moins – d’économies d’ores et déjà annoncées pour 2025 », a-t-il poursuivi. L’opposition reproche au gouvernement de ne pas passer par un projet de loi de finance rectificative et son attaque contre l’Assurance chômage, programmée cet été.
Les interventions des députés de gauche ont montré que le déficit actuel, loin d’être le fruit du hasard procédait des choix gouvernementaux inégalitaires. Boris Vallaud, président des députés socialistes a mis en accusation « l’addition accablante de vos cadeaux fiscaux jamais financés. 60 milliards au total dont 10 milliards, bientôt 20, de baisse des impôts de production dont les deux tiers bénéficieront notamment à la banque et aux assurances qui viennent de battre de nouveaux records de dividendes distribués ».
Jean-Marc Tellier a montré que cette perte a pu être masquée au cours des cinq années écoulées : « la poussée des recettes de TVA – près de 60 milliards en plus de recettes en 2024 par rapport à 2019, tirée par l’inflation et pénalisant particulièrement les Français les plus modestes – avait masqué ls effet de votre politique de sape » des recettes publiques.
Face à ces accusations, le premier ministre a joué le ravi de la crèche, mettant en avant la « trajectoire de finances publiques réaliste du gouvernement, pour passer sous les 3 % d’ici la fin du quinquennat » et soulignant que cela serait possible « par le travail et pas par les impôts supplémentaires ». Gabriel Attal semble oublier les paroles de son mentor, Emmanuel Macron qui concédait, le 15 avril dernier que la France n’a pas « un problème de dépenses excessives mais de moindres recettes ».
Les communistes, insoumis et écologistes n’étaient pas les seuls à avoir déposé une motion de censure. Le Rassemblement national avait également soumis la sienne, votée par ses 89 députés. Sébastien Chenu, porte-parole du Rassemblement national a accusé le gouvernement de « dépenser mal » et de n’avoir « rien fait économiser aux Français ». Sous la houlette de Jordan Bardella, le RN a repris les vieux accents antifiscalistes des années 1980.
Gabriel Attal joue la musique des extrêmes qui se touchent
La concomitance des motions de censure a permis à Gabriel Attal de jouer les équilibristes. Avec une outrance qui ne convainc plus que ses soutiens. « Dans une chorégraphie bien huilée, Nupes et RN agissent de concert et montrent leurs véritables intentions au grand jour, leur objectif commun étant le désordre, le désordre démocratique, le désordre économique », a-t-il lancé, accusant les oppositions de promouvoir un « blocage permanent » du Parlement et d’être contre le travail… pour avoir voté contre la loi travail et la réforme du RSA.
À quelques jours des élections, il s’est adressé à son électorat, âgé. « Cette motion de censure, c’est l’instabilité, l’instabilité au moment où la France accueille le monde entier avec les Jeux olympiques et paralympiques, l’instabilité qui mettrait en péril les pensions des retraités, l’instabilité qui mettrait en péril les économies des petits épargnants », a-t-il souligné.
Sentant venir le coup, le député Matthias Tavel avait balisé le terrain, en rappelant au premier ministre repeint en « directeur de campagne du RN » que « votre politique de la terre brûlée ne sert qu’à faire monter l’extrême droite ». Il a pris soin de rappeler la politique antisociale des lepénistes « contre la hausse du Smic, contre le retour de l’ISF, contre la taxe sur les superprofits, contre l’indexation des salaires sur l’inflation ».
En fait, à quelques jours des élections, la motion RN visait surtout à mettre Les Républicains face à leurs contradictions. « Sortez de l’ambiguïté, vous ne pouvez en campagne être de toutes les oppositions à Emmanuel Macron et une fois élus être de toutes les majorités, leur a lancé Sébastien Chenu. Ne transformez pas votre groupe en champ de béquilles de la majorité ».
Rappelant la ligne de son parti, qui serait d’« imposer au gouvernement le sérieux budgétaire qui lui fait défaut », le président des députés Républicains Olivier Marleix a rappelé au RN que son alliée italienne, Giorgia Meloni assumait « la retraite à 67 ans ».
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