De l’argent, il y en a et les députés de gauche ont montré qu’ils savent où le chercher. Afin de financer la protection sociale, sans mettre à contribution les couches moyennes et populaires, ils ont fait voter plus de 13 milliards de recettes supplémentaires. Et, surprise, contrairement à ce qui s’était passé en commission des Affaires sociales, la partie recettes du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) a été adoptée, lundi 4 novembre dans l’Hémicycle, par 126 voix pour et 98 contre, le Rassemblement national (RN) se réfugiant dans l’abstention.
« Le travail réalisé dans le cadre du PLFSS montre que d’autres constructions budgétaires sont possibles. Et qu’on peut trouver d’autres recettes », se félicite Yannick Monnet, député PCF qui siège à la commission des Affaires sociales. « Nous avons réussi à obtenir une majorité pour faire voter des mesures qui répondent aux besoins des gens », salue également la députée FI Élise Leboucher. Preuve qu’un gouvernement dirigé par le Nouveau Front populaire (NFP) serait parvenu à se faire entendre dans l’Hémicycle ?
Mettre à contribution le capital
Les parlementaires de gauche ont en tout cas réussi à mettre à contribution le capital, signe d’une inflexion du climat politique. Ainsi, Hendrik Davi, député « l’Après », a fait voter un amendement qui porte de 9,2 % à 12 % la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus du capital. « Cela permettra de dégager 3 milliards d’euros pour nos soignants et nos retraités », a-t-il souligné.
Un autre amendement, déposé par Damien Maudet (FI), soumet les dividendes aux cotisations. Et Léa Balage El Mariki, députée écologiste, fait valoir d’autres victoires, aux frais des industriels, notamment de ceux qui refusent d’inscrire le Nutriscore sur leurs produits. « Cela permet de prévenir les maladies chroniques », rappelle-t-elle.
« Vous avez créé des taxes et des charges pour près de 17 milliards » d’euros, a pour sa part calculé Thibault Bazin, député du groupe Droite républicaine. Il oublie au passage que le gouvernement avait prévu, lui, 15 milliards d’euros de coupes dans le budget de la Sécurité sociale au nom de la lutte contre le déficit.
Des coupes, dont une partie a été annulée, et qui ciblaient les patients, les retraités et les apprentis. « Nous avons trouvé 17 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour combler le déficit de la Sécurité sociale, lui rétorque Léa Balage El Mariki. C’est un peu l’hôpital qui se fout de la carte Vitale. »
Tout au long des débats, Macronie et droite ont défendu les intérêts des possédants. Yannick Monnet rappelle d’ailleurs que le NFP a « réussi à obtenir toutes ces recettes malgré la suppression de l’article 6, qui devait questionner les 90 milliards d’euros d’aides aux entreprises ». Près de 5 milliards auraient pu être ponctionnés aisément sur celles-ci, mais les droites se sont liguées pour préserver cette subvention au capital.
La fin du report de l’âge de départ en retraite de 62 à 64 ans
D’autres amendements adoptés sont symboliques, mais constituent néanmoins une victoire. Ainsi, l’un d’entre eux, voté dans une annexe, demande la fin du report de l’âge de départ en retraite de 62 à 64 ans. Il est sans effet concret. Mais c’est la première fois que le Parlement est autorisé à voter sur le sujet : cela montre qu’il existe une majorité dans l’Hémicycle pour l’abrogation de la réforme imposée par Emmanuel Macron.
La FI présentera dans sa niche fin novembre une proposition de loi en ce sens, qui sera ensuite reprise dans la niche communiste au Sénat. « On ne peut pas, techniquement, abroger la réforme des retraites dans le cadre du PLFSS. Mais on peut créer les conditions de son abrogation. C’est ce que nous avons fait avec l’augmentation des recettes », analyse Yannick Monnet.
Les victoires de la gauche sont toutefois fragiles. Ce lundi, le RN s’est abstenu, refusant de venir au secours de la Macronie. L’occasion pour les représentants de cette dernière de reprendre à l’envi l’antienne des extrêmes qui se touchent. « Quand vous avez RN et NFP qui votent ensemble, vous voyez bien que c’est la collusion du populisme », a attaqué le président du groupe Modem Marc Fesneau.
En réalité, le RN a expliqué son abstention par un rejet de la copie gouvernementale du PLFSS, mais également par les « dingueries fiscales de la gauche ». L’extrême droite porte donc les mêmes critiques sur le volet recettes que la Macronie. « Leur mesure phare pour lutter contre les déserts médicaux est d’en appeler aux médecins retraités… Ce n’est pas un groupe mobilisé sur le dossier retraite », prévient la députée PS Mélanie Thomin.
Au moment d’écrire ces lignes, les députés examinaient le volet dépenses du PLFSS. Si, à minuit mardi 5 novembre, le texte complet n’était pas voté, le gouvernement pourrait transmettre le PLFSS non amendé au Sénat. Les groupes de gauche envisageaient donc d’abandonner une partie de leurs amendements pour favoriser l’adoption du texte.
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