À Mayotte, département le plus pauvre de France, la state of affairs ne s’améliore pas. Depuis le 22 janvier 2024, le mouvement citoyen des “Forces Vives” bloque les principaux axes routiers et maritimes de l’île. Ce mardi 6 février 2024, ses manifestants ont afflué vers Mamoudzou pour dénoncer l’inaction de l’État face à l’insécurité et l’immigration illégale, principalement comorienne.
Barrages routiers, caillassages de véhicules, violences urbaines, affrontements entre bandes rivales et avec les forces de l’ordre… “A Mayotte, les jours passent et se ressemblent”, indique Fahad Idaroussi Tsimanda, spécialiste de l’île et docteur en géographie à l’université Montpellier III. Si l’opération Wuambushu devait apaiser les tensions par le “décasage” des bidonvilles et l’expulsion des migrants de l’île, “drive est de constater que les délinquants sont toujours actifs et que le problème a juste été déplacé ailleurs”.
Le démantèlement du stade de Kavani à Mamoudzou, commencé le 25 janvier dernier, “a été la goutte de trop pour les citoyens Mahorais qui attendaient d’autres réponses du gouvernement”, explique le géographe. Ne souhaitant pas que Mayotte devienne le “Lampedusa de l’océan indien”, des citoyens, réunis dans le collectif “Forces Vives”, paralysent l’île de 310 000 habitants par des blocages routiers depuis trois semaines.
Personne ne franchit les barrages pas même les soignants
Une state of affairs invivable pour Marie*, médecin dans un dispensaire de la capitale depuis 2018 : “Depuis décembre, c’est infernal. Ce sont des barrages de délinquants, des barrages de citoyens, des bombardements de grenade assourdissants et la lacrymo de la police tous les jours. Mon enfant de 9 mois vit là comme si elle était sous les bombes”.
Il y a trois jours, la jeune femme a vécu une nuit épouvantable à trigger des blocages : “Une collègue au Nord de l’île a dû gérer un accouchement de siège, deux réanimations d’arrêts cardiaques et deux autres urgences en même temps. Sans pouvoir rapatrier les sufferers au centre de référence à Mamoudzou”.
À Mayotte, le mot d’ordre est de ne laisser passer personne, pas même les soignants. Chloé, professeure de lettres dans le sud de l’île, pense même à partir. Confinée chez elle, elle raconte : “Tout le monde est coincé dans sa commune. Même les éboueurs ne passent plus ramasser les poubelles qui s’amoncellent. Les magasins sont vides automobile il y a peu de réapprovisionnement. C’est un climat anxiogène et pourtant rien ne bouge”.
Depuis trois semaines les élèves sont livrés à eux-mêmes
La state of affairs est encore pire qu’en 2011 et 2018 selon certains. Les providers publics ne fonctionnent plus qu’au ralenti : “Jusqu’à maintenant, le système hospitalier fonctionnait à peu près correctement et les titulaires aimaient vivre ici, se lamente Marie. Aujourd’hui il n’y a que des contractuels qui restent un à deux mois. Ce n’est pas doable de fonctionner comme ça. Et c’est pareil dans toutes les administrations.”
Sur l’île, les écoles ont fermé, et les enseignants essayent tant bien que mal d’assurer une continuité pédagogique avec leurs élèves : “Mais très peu d’enfants ont des ordinateurs et des connexions Web. Ça va faire trois semaines que les élèves sont livrés à eux-mêmes dans un climat oppressant. Et ils n’auront sans doute pas d’aménagement particulier pour le bac”, s’agace Chloé.
“Un whole mépris”
Trois semaines de grève “aucun mot de la half du gouvernement ou du Premier ministre”. Un “whole mépris” pour Fahad Idaroussi Tsimanda qui dénonce une state of affairs devenue “hors de contrôle”.
Les Mahorais demandent l’abrogation du titre de séjour territorialisé. Ce que refuse l’Etat automobile cela entraînerait davantage de migrations sur l’île qui deviendrait alors un level de passage vers l’Hexagone : “Si on n’accorde pas le droit à Mayotte de rattraper son retard de développement par peur de voir arriver des personnes, c’est une aberration, estime le géographe. Mayotte a le droit de connaître un développement socio-économique mais l’Etat doit régler le problème en amont avec un contrôle accru et renforcé des frontières.”
6 dates clés pour comprendre la state of affairs à Mayotte
1974 (décembre) – Première session d’autodétermination
Le 22 décembre 1974 la inhabitants mahoraise vote à 63% contre l’indépendance tandis que les Comoriens la soutiennent à 99%.
1975 (juillet) – Les Comorres proclament unilatéralement leur indépendance
Le 6 juillet 1975, Moroni, la capitale des Comorres proclame unilatéralement son indépendance. Elle sera reconnue par l’Organisation des Nations unies (ONU) en novembre et par la France en janvier 1976.
1976 – Référendums de février et avril 1976
Un premier référendum est organisé le 8 février 1976 au cours duquel les Mahorais votent à 99,4 % leur maintien au sein de la République française. Le 11 avril 1976, une majorité similaire de Mahorais rejettent le statut de “territoire d’outre-mer” lors d’un second référendum et réclament la départementalisation.
1995 (janvier) – Instauration du Visa Balladur et fin de la libre-circulation
Le “visa Balladur”, en référence au Premier ministre Edouard Balladur, est instauré le 18 janvier 1995. Cette nouvelle mesure supprime la liberté de circulation entre Mayotte et le reste de l’archipel (Mohéli, Anjouan, Grande Comore). Depuis l’instauration de ce visa, inconceivable à obtenir pour un Comorien, entre 7 000 et 10 000 personnes sont mortes noyées en tentant de traverser la mer pour Mayotte, selon un rapport du Sénat de 2012.
2011 (mars) – Mayotte devient le 101e département de la République française
Le 29 mars 2009 les Mahorais votent pour la départementalisation de leur île. Le 31 mars 2011, Mayotte devient officiellement le 101e département et 5e département d’outre-mer (DOM) de France. Suite à cela, d’importants mouvements de contestation contre l’augmentation du coût de la vie, éclatent. Les manifestations, au cours desquelles plusieurs manifestants perdent la vie, vont se succéder durant plusieurs semaines et paralyser l’île. Afin de dénouer la state of affairs, un médiateur est nommé par le gouvernement.
2018 (septembre) – Opération “île morte”
À la suite du mouvement populaire de mobilisation contre un accord franco-comorien de septembre 2017 vers la libre circulation des personnes entre les Comores et Mayotte, des manifestations éclatent en janvier 2018. Le mouvement, appelé grève générale de 2018 ou opération “Île morte”, paralyse Grande-Terre jusqu’au début du mois d’avril.
*(prénom modifié)