François Bayrou a-t-il menti ? Savait-il, contrairement à ce qu’il affirme, l’ampleur des accusations de violences physiques et de viols sur mineurs visant le pensionnat catholique Notre-Dame de Bétharram, près de Pau (Pyrénées-Atlantiques), où il a scolarisé plusieurs de ses enfants et où son épouse a donné des cours de catéchisme ?
Aux deux questions, le site Mediapart répond par l’affirmative dans une enquête publiée, ce mercredi, avec des révélations de nature à bouleverser l’avenir politique du locataire de Matignon. Le député insoumis Paul Vannier dénonce même, sur X, un « scandale d’État ». « L’affaire est trop grave pour que le premier ministre reste silencieux », s’inquiète le communiste Pierre Ouzoulias, vice-président du Sénat.
Ministre de l’Éducation, il avait soutenu l’école
Depuis octobre 2023 et la création d’un collectif d’anciens élèves, 112 plaintes ont été déposées contre des prêtres, des surveillants et d’anciens résidents de l’établissement situé à Lestelle-Bétharram, commune de la campagne béarnaise. Autant de témoignages dénonçant, auprès de la justice, des violences physiques et des agressions sexuelles sur mineurs. Ils décrivent des crimes commis, entre les années 1950 et 2010, sur des enfants âgés de 8 à 13 ans. Dont certains officiellement sont reconnus par l’Église catholique. François Bayrou, maire de Pau, ex-député, ancien président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques et ministre de l’Éducation nationale de 1993 à 1997, pouvait-il l’ignorer ?
C’est, en tout cas, ce qu’il a affirmé au Parisien l’an passé : « C’est vrai que la rumeur, il y a vingt-cinq ans, laissait entendre qu’il y avait eu des claques à l’internat. Mais de risques sexuels, je n’avais jamais entendu parler. » Des propos confirmés, l’été dernier, dans le Point, où il affirme que « personne » ne l’a jamais alerté, « du moins dans (son) souvenir ».
De nombreux éléments récoltés par Mediapart viennent contredire la version du centriste, qui, lorsqu’il était membre du gouvernement, s’était rendu sur place, en 1996, pour soutenir l’institut en pleine tourmente judiciaire. Un surveillant général vient alors d’être condamné pour avoir frappé un enfant de 14 ans, lui laissant des séquelles à vie. Le père de cet enfant maltraité affirme que le fils du responsable politique se trouvait dans la même classe. Et une enseignante confirme avoir alerté le couple Élisabeth et François Bayrou, qui a « minimisé ».
Un article de Sud-Ouest, paru à l’époque, raconte d’ailleurs la visite de soutien du ministre, lequel évoque alors un « sentiment douloureux et un sentiment d’injustice » devant les « attaques » contre Notre-Dame de Bétharram, au cœur d’une polémique médiatique. Le surveillant est ensuite condamné. Comment François Bayrou peut-il dès lors parler de « rumeurs » en 2024 ?
Deux ans plus tard, le directeur de l’établissement, le père Carricart, est mis en examen pour viol sur mineur. Après un court placement en détention, il est laissé libre. Exfiltré au Vatican, il se suicide quelques semaines après, dans la foulée d’une deuxième plainte. Élisabeth Bayrou se rend alors elle-même aux obsèques. En mars 2024, le Monde révèle que l’actuel premier ministre, inquiet pour son fils, avait longuement échangé avec le juge d’instruction sur cette affaire. Ce qu’il a in fine reconnu, interrogé par le Parisien, tout en faisant part de ses « doutes » concernant la culpabilité du père, malgré d’autres témoignages depuis. Les « risques sexuels » étaient donc connus du premier ministre depuis 1998, ce qu’il a curieusement nié en 2024…
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