Quatorze jours et tant de violences envers des victimes qui comptent leurs morts, tentent de survivre et attendent désespérément des solutions. Lundi 16 décembre, soit 48 heures après que le cyclone Chido a dévasté l’île de Mayotte, le nouveau premier ministre, François Bayrou, se rendait au conseil municipal de son fief béarnais, Pau, déclenchant un torrent de critiques en réaction au peu de considération que ce dernier accorde à des citoyens meurtris et délaissés par le pouvoir.
Le président du MoDem, candidat à la présidence de la République à trois reprises (2002, 2007 et 2012), a surtout justifié sa présence dans le Sud de l’Hexagone par une réflexion teintée de l’héritage colonialiste de l’État français : « Il n’est pas d’usage que le premier ministre et le président de la République quittent en même temps le territoire national. » De même, lorsqu’il a jugé bon d’expliquer qu’une partie de la population locale était « du point de vue des papiers (…) illégale », sur le plateau de l’émission caritative Unis pour Mayotte (France 2), mardi 17 décembre.
Un bilan provisoire de 39 morts et de plus de 4 000 blessés
Le locataire de Matignon a enfin annoncé se rendre sur place, dimanche 29 décembre… soit plus de deux semaines après le passage du cyclone. Le premier ministre a prévu d’y rester deux jours et y sera accompagné de deux ministres d’État – mais aussi deux prédécesseurs : Élisabeth Borne (ministre de l’Éducation nationale) et Manuel Valls (ministre de l’Outre-mer). Seront aussi présents les ministres du Logement, Valérie Létard, de la Santé, Yannick Neuder et le ministre délégué – ancien sénateur de Mayotte – Thani Mohamed Soilihi (Francophonie et Partenariats internationaux).
François Bayrou doit y annoncer les bases de la reconstruction d’un archipel dévasté par les catastrophes naturelles et rongé par la pauvreté (Mayotte est le département le plus pauvre de France). Les autorités locales annoncent, pour le moment, un bilan provisoire de 39 morts et de plus de 4 000 blessés, tandis que des secouristes sur place tablent sur un potentiel total de 60 000 morts.
Le premier ministre se concentre sur la reconstruction
Son arrivée – tardive – intervient surtout après celle d’Emmanuel Macron, les 19 et 20 décembre derniers, dont les interactions imprégnées de paternalisme et de néocolonialisme – « Ce n’est pas moi le cyclone ! Je ne suis pas responsable ! », « Parce que si ce n’était pas la France, vous seriez 10 000 fois plus dans la merde. Il n’y a pas un endroit de l’océan Indien où on aide autant les gens ! » – a braqué la population.
Le chef de l’État avait même osé utiliser l’immigration pour aborder la situation humanitaire : « On ne pourra pas régler les problèmes de fond de Mayotte si on ne règle pas le problème de l’immigration clandestine. »
De quoi laisser au second plan les rares annonces du président de la République, qui a annoncé que, « pendant des mois », Mayotte « ne vivra pas en situation normale ». François Bayrou a présidé, en amont de son déplacement, une réunion avec plusieurs ministres – en visioconférence, toujours depuis Pau -, mercredi, notamment consacrée à la question du logement et de la reconstruction.
Une nouvelle réunion s’est tenue jeudi, à Matignon. Le chef du gouvernement « a vraiment l’intention d’y aller sur la partie reconstruction », annonce-t-on dans son entourage. « Au gouvernement de rebâtir (…) Il ira sur cette base-là. »
L’État « ne pourra pas rouvrir toutes les écoles »
Dans l’archipel dévasté par le cyclone le plus intense depuis 90 ans, toutes les communes ont été touchées et les bidonvilles rasés, tandis que les déchets s’accumulent, provoquant la crainte de risques sanitaires. Même si les premières distributions de nourriture et d’eau potable ont commencé, près de deux semaines après le passage de Chido, de nombreux habitants se disent abandonnés et attendent encore de l’aide.
De même, l’électricité reste coupée pour plus de la moitié des foyers mahorais. Plus de 3 900 membres (dont 1 500 en renfort) de la sécurité civile, de la police, de la gendarmerie et des armées sont engagés à Mayotte, ont précisé les autorités locales, mercredi 25 décembre.
Autre urgence, sur laquelle la nouvelle ministre de l’Éducation, Élisabeth Borne, sera attendue au tournant : la rentrée scolaire. Alors que, au vu de l’ampleur considérable des dégâts, l’État « ne pourra pas rouvrir toutes les écoles le 13 janvier » à Mayotte, a d’ores et déjà prévenu Emmanuel Macron, lors de son déplacement, des annonces de l’ancienne première ministre sont attendues.
« Nous avons besoin d’aide dès aujourd’hui »
Manuel Valls a de son côté affirmé, mardi 24 décembre lors de la passation de pouvoir avec son prédécesseur au ministère des Outre-mer, ne pas « ignorer la colère, la peur, le sentiment d’abandon et l’angoisse [des] compatriotes mahorais ». L’ancien membre du gouvernement Hollande en a aussi profité pour affirmer que « l’État est en train d’y répondre. » Il a alors énoncé ses priorités : « reconstruire Mayotte en mieux et différemment. »
Manuel Valls a également dit espérer que la « loi spéciale » pour la reconstruction de Mayotte soit adoptée « rapidement » en Conseil des ministres, dont le prochain doit se tenir le 3 janvier.
Un plan sur le long terme, donc, tandis que l’archipel de Mayotte doit composer avec la faim, la soif et une absence d’infrastructures. « Hormis des annonces gouvernementales qui vont prendre du temps à se mettre en place, fustigeait ainsi Saïd Anthoumani, président de la Chambre d’agriculture, de la Pêche et de l’aquaculture de Mayotte (Capam), auprès de l’Humanité. Nous avons besoin d’aide dès aujourd’hui, pas dans la semaine ou dans un mois. » Ce n’est pas le délai d’une reconstruction « en deux ans », évoqué par François Bayrou, qui va redonner de l’espoir aux milliers de victimes.
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