Cette mobilisation des salariés de l’aéroport de Roissy est de celles, rattrapées par l’actualité politique, dont le cap a été rectifié. La lutte sociale pour l’obtention d’une prime pour les jeux Olympiques, de meilleures conditions de travail et un salaire décent s’est mue et associée à un combat politique pour la formation d’un front anti-RN.
Le mot d’ordre de la manifestation interprofessionnelle de Roissy, organisée il y a un mois et demi par les syndicats CGT, Solidaires, Unsa et CFTC, a été gommé puis remplacé après la dissolution de l’Assemblée nationale annoncée par Emmanuel Macron et la percée historique du Rassemblement national aux élections européennes du 9 juin.
Désormais, s’est ajouté le message suivant : « Empêcher ce parti d’extrême droite de mettre en place sa politique anti-sociale dont l’ADN est contre les intérêts des salariés », affirme Nordine Kebbache, délégué syndical de la CGT Transdev Aéropiste. Une réalité qui résonne d’autant plus dans les couloirs de l’aéroport de Roissy, champion dans le domaine de la sous-traitance en cascade, du recours aux contrats précaires et de la répression envers les grévistes.
« Les fausses mesures sociales du RN »
Elles et ils sont bagagistes, agents de sécurité, de propreté ou bien encore de sûreté et, malgré la diversité de leur métier, convergent vers de mêmes revendications. Conditions de travail pénibles, manque de reconnaissance, maigre salaire… leur quotidien se ressemble, leurs « fins de mois sont très compliquées, confie Nordine Kebbache. Et ce ne sont pas les fausses mesures pour le pouvoir d’achat du RN qui vont arranger les choses ».
À titre d’exemple, un poste d’agent de sûreté est rémunéré à hauteur du Smic en tant que débutant, explique Nadia, l’une des personnes qui inspectent les bagages des passagers pour la société Seris Security. Cette déléguée syndicale de l’Unsa redoute la politique anti-immigration de l’extrême droite et ses conséquences sur la profession : « Qui va occuper ces postes physiques et pénibles si les personnes issues de l’immigration sont poussées vers la sortie ? Ce sont des travailleurs essentiels à notre vie économique ! »
À ce sujet, les intentions du RN sont claires, « ce ne sont pas des prospections mais il s’agit d’un projet concret et dangereux », déplore Tayeb Khouira, porte-parole national du syndicat SUD aérien. Une proposition de loi constitutionnelle déposée par Marine Le Pen en janvier 2024 inclut la « priorité nationale » dans l’accès à l’emploi, excluant les travailleurs étrangers mais aussi les binationaux. Cette hécatombe économique et sociale « vise à diviser et à créer deux catégories de citoyens, dont l’une d’entre elles sera privée d’emploi », selon le porte-parole du syndicat.
La répression anti-syndicale accentuée
Au-delà des frontières de l’aéroport de Roissy, d’autres travailleurs du département de Seine-Saint-Denis sont venus constituer un front commun contre la menace que présente la politique du RN sur leurs emplois. Henda, institutrice de SUD éducation 93 et militante pour Révolution permanente, s’inquiète pour ses élèves, dont certains sont concernés par la loi immigration. « Nous voyons malheureusement les conséquences de cette idéologie réactionnaire à Mayotte, avec des rafles d’élèves organisées devant les lycées », affirme-t-elle, les sourcils froncés par l’appréhension.
Adel Zorgui, cégétiste à MA France, sous-traitant de Stellantis placé en liquidation judiciaire, craint, lui, « une perte de tous nos acquis sociaux ». Le rétropédalage de Jordan Bardella sur l’abrogation de la réforme des retraites est symptomatique d’un parti dont l’engagement social n’est qu’un « leurre », selon Tayeb Khouira. Après s’être clairement opposé à cette dernière en 2023, le président du Rassemblement national avait lancé un « Nous verrons ! » peu convaincant au micro de RTL, lundi 11 juin.
Avant de se rétracter, à l’annonce de sa feuille de route au Parisien, ce mardi 18 juin, il fait mention d’une abrogation « à partir de l’automne ». Un jour, oui, un jour, non. « Ce n’est qu’une stratégie pour obtenir plus de votes, mais ils ne le feront jamais ! » dénonce Nordine Kebbache, l’air déterminé et le pas rapide.
Dans le cortège, d’autres syndicalistes élèvent leur voix pour chanter leur désaccord face à cette politique. En toile de fond, leur propre activité est menacée. La répression anti-syndicale dont ils sont victimes, fustigée notamment par Sophie Binet, « a déjà explosé sous Macron et ne pourrait que s’accentuer avec un gouvernement d’extrême droite », expose Tayeb Khouira. À Roissy, la lutte n’est pas que sociale et politique, elle s’est aussi muée en combat pour la survie de l’outil syndical.
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