TikTok Shop, la marketplace intégrée au réseau social chinois, arrive en Europe ce lundi 31 mars. Déjà testée en Asie et aux États-Unis, la fonctionnalité permet aux utilisateurs d’acheter directement depuis l’application, via des vidéos et des lives où les influenceurs jouent les vendeurs. Mais son arrivée inquiète quant à l’utilisation des données et la surconsommation à outrance.
Lancée en 2023 à grande échelle aux États-Unis et dans plusieurs pays d’Asie, TikTok Shop se veut un concurrent des marchés en lignes comme Amazon et Shein. Forte d’un milliard d’utilisateurs actifs à travers le monde, dont 22 millions en France en 2025, la plateforme de visionnage de vidéos veut capitaliser sur ses chiffres impressionnants.
Grâce à cette fonctionnalité qui analyse le contenu présenté dans chaque image ou vidéo et propose un bouton « Acheter » à l’utilisateur pour chaque objet détecté, il n’a que quelques clics à faire pour passer commande d’un produit mis en avant sans quitter l’application.
Jean Cattan, secrétaire général du Conseil National du Numérique, analyse pour l’Humanité les écueils que présente cette nouvelle fonctionnalité.
Utilisation des données personnelles
TikTok est l’application qui fait le plus usage des données personnelles au monde. Donc même avec cette nouvelle fonctionnalité, la philosophie reste la même : capitaliser sur les utilisateurs et leurs données personnelles pour vendre de plus en plus de produits spécifiques. Le TikTok Shop a l’avantage de l’honnêteté quant à ce que sont devenus les réseaux sociaux : ce sont des hangars qui incitent à l’achat plutôt qu’à la socialisation comme c’était prévu initialement. L’exploitation des données personnelles n’est que la façon la plus directe de s’y prendre.
La régulation et le risque de concurrence déloyale
L’arrivée de cette fonctionnalité envoie un signal d’alarme au monde politique sur les pratiques des plateformes. Le plus important quand on parle des réseaux sociaux aujourd’hui, c’est de distinguer les espaces. Être en mesure de dire ce qui est du domaine du social ou de la vente est devenu assez difficile. Pour faire une analogie, on peut discuter dans une épicerie de tout ce qu’on veut, même si c’est un espace de vente. Mais on reste en mesure de savoir à qui l’on parle et si la personne a l’intention de nous vendre quelque chose ou non.
Sur les réseaux sociaux, cette distinction se fait de moins en moins. Et c’est quelque chose sur lequel les politiques doivent se pencher. Il y a deux possibilités avec cette fonctionnalité. Soit elle est ouverte à tous et les commerçants locaux y ont accès et peuvent vendre leurs produits à leur clientèle habituelle ou l’élargir. Mais dans ce cas, il faut s’assurer que l’espace qui leur est alloué est bien ordonné, réguler, afin qu’il n’y ait pas de risque qu’ils soient écrasés par des machines capitalistes. Ou alors, et c’est le scénario le plus probable, ces espaces vont être cannibalisés par des géants du commerce, parce que l’épicier du coin n’aura pas les moyens de faire face à la concurrence des grandes entreprises. Et dans ce cas, il faut encore plus s’assurer que la régulation suive.
L’évolution des réseaux sociaux
Aujourd’hui les réseaux sociaux sont devenus des interfaces qui font se rejoindre quasiment tous les aspects de nos vies. Et cette évolution dure depuis la création d’internet. On va d’interfaces de plus en plus fermées en interfaces de plus en plus fermées. On peut rassembler nos habitudes d’achat, de socialisation, parfois même d’éducation et d’autres aspects sur ces plateformes, avec le risque de ne pas avoir besoin de les quitter.
Même au niveau de l’opinion politique, beaucoup de jeunes s’informent avec les réseaux sociaux où l’expression de ces opinions est pratiquement illimitée et incontrôlée. Étant donné la direction que prennent ces plateformes sociales, avec toujours plus d’outils qui poussent à la consommation, on est en droit de s’inquiéter de cette évolution. L’arrivée du TikTok Shop représente un pas de plus. Le risque est que d’autres franchissent le pas. Sans régulation ni garde-fous, on prend le risque de confier l’intégralité de nos vies à des géants du numérique.
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