Les universités d’été des socialistes, organisées à Blois (Loir-et-Cher) à partir de ce jeudi, s’annoncent à couteaux tirés. Des différends ont été étalés au grand jour lors du Bureau national qui s’est tenu en urgence mardi, à la demande du maire de Rouen (Seine-Maritime), Nicolas Mayer-Rossignol, et de la maire de Vaulx-en-Velin, Hélène Geoffroy, tous deux porte-parole de la frange hostile à la ligne incarnée par Olivier Faure.
« Le PS est au bord de la rupture ! » a même asséné Hélène Geoffroy. En cause, la décision du premier secrétaire du PS, prise de concert avec les autres partis du Nouveau Front populaire (NFP), de refuser de poursuivre toute discussion avec Emmanuel Macron, à moins qu’il ne s’agisse de la nomination de Lucie Castets à la tête du gouvernement. Olivier Faure dit refuser de jouer « les supplétifs d’une Macronie finissante », et appelle plus que jamais le président de la République à respecter le choix des urnes en nommant le NFP à Matignon.
« L’anti-mélenchonisme est un argument extrêmement performant au sein du PS »
Hélène Geoffroy, elle, lui répond que les socialistes doivent cesser d’être « des supplétifs de la France insoumise » et assume de vouloir reprendre des discussions institutionnelles avec le président de la République. Autrefois adversaires revendiqués de la Nupes, les critiques d’Olivier Faure plaquent aujourd’hui les mêmes reproches au NFP, alors que les rapports de force ont changé à gauche, que le nombre de députés PS a augmenté et que la possibilité de gouverner sans aucun ministre insoumis, proposée directement par Jean-Luc Mélenchon afin de lever les réticences des macronistes, a été acceptée par Lucie Castets.
Mais les socialistes, qui appellent à rompre définitivement avec la FI, bouillonnaient déjà depuis plusieurs semaines et n’ont pas digéré la volonté des insoumis de lancer une procédure de destitution contre Emmanuel Macron. « Dès le début de l’alliance, Jean-Luc Mélenchon s’est condamné en se montrant intransigeant sur sa capacité à gouverner et en refusant les concessions », avance une cadre du Bureau national. « Si nous l’avons emporté, ce n’est pas que grâce au NFP, mais à tout le front républicain ! » poursuit Rachid Temal, sénateur du Val-d’Oise.
Patrick Kanner, président du groupe PS au Sénat, Michaël Delafosse, maire de Montpellier (Hérault) proche de la présidente de région Occitanie Carole Delga, font notamment partie de ceux qui ont réclamé un bureau national en urgence. Des critiques fusent également concernant le programme du NFP, jugé irréalisable.
Et avant même qu’Emmanuel Macron annonce son refus de nommer Lucie Castets à Matignon, certains socialistes ont tenté de pousser d’autres candidats dans la danse, soutenant les options Bernard Cazeneuve et Karim Bouamrane, notoirement anti-insoumis, lancées par les cercles macronistes afin de diviser le NFP et d’attirer l’aile droite du PS dans une large coalition.
« L’anti-mélenchonisme est un argument extrêmement performant au sein du PS », analyse le député Laurent Baumel, proche d’Olivier Faure, qui prévient : « Ceux qui l’excitent devraient savoir que l’anti-macronisme aussi ! » « En jouant le jeu de Macron, on pourrait penser que ces socialistes sont en réalité plus prompts à gouverner avec lui », mesure également le député PS Arthur Delaporte, porte-parole du parti.
« Aujourd’hui personne ne veut être ni la béquille, ni le soutien d’Emmanuel Macron »
« Aujourd’hui personne ne veut être ni la béquille, ni le soutien d’Emmanuel Macron », rétorque le sénateur Rachid Temal, qui assure qu’en cas de reconduction de la politique libérale d’Emmanuel Macron, les socialistes s’uniront pour censurer immédiatement le gouvernement. « Il faut arrêter de voir des procès en trahison. Ce qui se joue, c’est le rapport au pouvoir de la gauche, et elle ne pourra le conquérir qu’avec la social-démocratie », poursuit une cadre du Bureau national.
Raphaël Glucksmann, tête de liste du PS aux élections européennes, appelle les socialistes à « tourner la page Macron et Mélenchon », et sera présent ce week-end à Blois. Hélène Geoffroy, Nicolas Mayer-Rossignol, Carole Delga et Karim Bouamrane ont prévu de s’exprimer conjointement devant les militants et réclament la tenue d’une « convention » afin de redessiner la ligne du PS.
« Nicolas Mayer-Rossignol cherche à grossir des nuances stratégiques pour alimenter un prochain congrès », nuance cependant Laurent Baumel. « À Blois, ce sera comme tous les ans, un moment de convivialité et d’engueulades. C’est normal, et on ira boire un verre après », tempère pour sa part Rachid Temal. Reste que les socialistes apparaissent de nouveau divisés concernant leur centre de gravité et leur rôle au sein de la gauche.
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