Ce vendredi, Moody’s puis Fitch dévoilent leurs appréciations de la santé financière de la France. Fin mai, S & P (Standard & Poor’s) délivrera sa note censée donner le la aux acheteurs de titres de dette émis par la France. Cette fois-ci, Bruno Le Maire se dit serein.
Le ministre de l’Économie n’a plus besoin de brandir la menace de dégradation de l’avis de ces agences de notation pour faire passer ses mesures austéritaires. La rigueur budgétaire est en marche et doit faire passer la dépense publique de 56,7 % du PIB en 2023 à 54,5 % en 2027.
Aussi, le locataire de Bercy affirme que les « réformes structurelles » (retraites, assurance-chômage), les « réductions indispensables » des dépenses publiques (10 milliards d’euros pour 2024 ; 20 milliards pour 2025) et la « poursuite du plein-emploi et de l’activité » (moteurs de la croissance) suffiront à ravir les trois agences. Ou, au pire, à limiter leur scepticisme vis-à-vis du programme de stabilité des finances publiques communiqué par le gouvernement le 10 avril.
« On a l’impression que la France est chez Cofidis »
Pour Éric Bocquet comme pour François Lenglet, toute cette gesticulation relève d’un discours anxiogène auquel il faut mettre fin. Le sénateur communiste pourfendeur de la fraude fiscale, qui vient de publier la Dette à perpète ? (le Temps des cerises, 16 euros), et l’éditorialiste de l’orthodoxie économique, réunis en débat lundi 22 avril au siège du PCF, divergent sur beaucoup de sujets, mais pas sur celui-ci.
« Assez des discours anxiogènes sur la dette publique ! On a l’impression que la France est chez Cofidis et vit avec un crédit revolving permanent. Mais elle n’est pas un ménage qui risque de disparaître. Nos créanciers ne vont pas arrêter de nous financer. Ils ne sont pas inquiets. L’anxiété, la peur, c’est sur nous qu’elle est mise », déplore l’élu du Nord.
« Je partage votre irritation contre les discours catastrophistes, répond en écho le journaliste de TF1-LCI. L’union monétaire de l’euro nous protège et a permis d’augmenter notre stock de dette. Mais il faut prendre la dette au sérieux. Les marchés sont comme des moutons de Panurge. Gare au mécanisme de panique irrationnelle. Et, chaque année, les intérêts que l’on doit payer augmentent. Ils pourraient devenir le premier poste budgétaire en 2027, avant l’éducation. »
Pour les deux contradicteurs, « la monnaie, c’est politique ». La question de la dette mérite donc mieux que les violents coups de rabot budgétaires assénés par Bercy sans débat au Parlement via une loi de finances rectificative. Pour François Lenglet, en plus d’une revue des dépenses publiques selon leur efficacité, « la méthode la plus sûre pour se débarrasser de l’endettement reste la voie monétaire. On crée de l’inflation pour dévaluer la dette. L’inconvénient est que l’on détruit l’épargne. Mais, comme le dit Milton Friedman, “il n’y a pas de repas gratuit”. »
Éric Bocquet propose des alternatives à ces remèdes néolibéraux : « Changer le mandat de la Banque centrale européenne pour qu’elle finance les États en faveur de la transition écologique ; proposer des coupons de dette aux épargnants français ; faire le tri dans les 465 niches fiscales et les 157 milliards d’euros d’aides aux entreprises. » « Il n’y a pas de recette miracle », prévient-il. Mais il faut éviter la tutelle des marchés : « Car, détenir la dette, c’est détenir l’État. »