À l’issue d’une nouvelle réunion dans la nuit de lundi à mardi 12 mars, la seconde en deux semaines, le gouvernement et les élus corses ont abouti à un accord sur un projet d’« écriture constitutionnelle » prévoyant « la reconnaissance d’un statut d’autonomie » de l’île « au sein de la République », a annoncé le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
Emmanuel Macron en avait tracé les grandes lignes lors de son discours prononcé devant l’Assemblée de Corse, à Ajaccio, en septembre 2023. Et le texte issu de la rencontre de près de 5 heures place Beauvau « respecte à la fois les lignes rouges » alors fixées par le président de la République et « également le temps imparti » (soit une période de 6 mois de concertation), s’est félicité Gérald Darmanin.
« Ni statut de résident ni co-officialité de la langue »
Concrètement, « la présente écriture constitutionnelle prévoit la reconnaissance d’un statut d’autonomie pour la Corse au sein de la République qui tient compte de ses intérêts propres liés à son insularité méditerranéenne, à sa communauté historique, linguistique, culturelle ayant développé un lien singulier à sa terre », stipule le premier alinéa de ce projet. « Nous avons avancé vers l’autonomie » et « il n’y a pas de séparation de la Corse avec la République » notamment puisqu’on « n’évoque ni le peuple ni le statut de résident ni la co-officialité de la langue », a précisé Gérald Darmanin.
Gouvernement et élus sont aussi tombés d’accord sur le fait que « les lois et règlements peuvent faire l’objet d’adaptation » sur l’île, a ajouté le ministre. Une possibilité de « différenciation » que l’exécutif ambitionnait initialement d’ouvrir à tout le territoire, au risque de voir croître les inégalités et de mettre à mal l’unicité de la République, avant d’échouer à l’imposer totalement via sa loi « 3Ds ». En Corse, ce pouvoir législatif devrait être encadré par une loi organique et soumis au contrôle du Conseil constitutionnel. « Je dirais que ce soir nous sommes en demi-finale, reste à gagner la demi-finale, et la finale », a déclaré Gilles Simeoni, le président autonomiste du conseil exécutif de Corse, saluant « un pas décisif ».
Un pouvoir législatif qui fait débat
« Je reste déterminé à penser que l’octroi du pouvoir législatif est un problème, mais je ne vais pas endosser le rôle du bourreau du processus », a, de son côté, réagi l’un des chefs de file de l’opposition locale aux indépendantistes, Jean-Martin Mondoloni, laissant planer le doute sur son soutien au texte. Or, celui-ci devra être validé par l’Assemblée de Corse et faire l’objet d’une consultation des électeurs inscrits sur l’île, avant d’être examiné dans les hémicycles des Palais Bourbon et du Luxembourg. Comme pour la constitutionnalisation de l’IVG, il devra y être voté dans les mêmes termes, puis obtenir les voix des trois cinquièmes des parlementaires réunis en Congrès pour être adopté.
Le chemin est encore long. D’autant que le président du Sénat, Gérard Larcher, et celui du groupe Les Républicains, majoritaire à la chambre haute, Bruno Retailleau, sont « eux aussi farouchement opposés au pouvoir législatif », et assurent que la « loi reste et doit rester au parlement ».
Pour certains élus corses, dont les communistes, cette autonomie a, en outre, le défaut de faire passer au second plan les véritables préoccupations quotidiennes des habitants, comme « le progrès social, l’anéantissement des groupes de pression affairistes et mafieux, l’investissement dans l’emploi industriel, l’agriculture et la pêche pour réduire la dépendance à la mono activité du tourisme ».