Les chiffres de l’Insee sont officiellement tombés ce mardi 26 mars : le déficit a atteint 5,5 % du PIB en 2023, à 154 milliards d’euros, a dévoilé mardi l’institut national, soit davantage que les 4,8 % de 2022 et que les 4,9 % initialement prévus par le gouvernement pour 2023. En cause : des recettes de l’État « pénalisées par le ralentissement de l’économie, des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires, et un recul des transferts reçus », précise l’institution, évoquant des impôts « quasi à l’arrêt », augmentant « seulement de 0,3 % (+2,8 milliards d’euros) après +7,9 % en 2022 ».
Sont aussi évoqués le ralentissement des dépenses de l’État qui « augmentent de 3,7 % après +4,0 % en 2022 », des dépenses de fonctionnement en hausse (+6,0 %) et les prestations sociales qui « accélèrent » (+3,3 %, après +1,2 % en 2022), portées « par la revalorisation des prestations indexées sur l’inflation ». Bruno Le Maire a bondi sur l’occasion pour justifier sa politique d’austérité et de casses des conquis sociaux, laissant de côté à dessein l’un des termes de l’équation, la question des recettes.
« Opposé à toute augmentation d’impôt »
« La deuxième chose après une réduction des dépenses de l’État qui est indispensable, c’est une prise de conscience collective : tout ne peut pas reposer que sur les dépenses de l’État, ça ne peut plus être open bar », a lâché le ministre de l’Économie sur RTL, se disant « ouvert à tous les débats » alors qu’il était interrogé sur la possibilité d’un remboursement des médicaments en fonction des revenus. Une perspective, qui met à mal le principe même de la Sécurité sociale, évoquée alors que l’exécutif prévoit déjà de s’attaquer aux remboursements des affections longue durée (ALD) ou encore, de nouveau, aux indemnités du chômage et envisage 20 milliards de coupes dans les dépenses après les 10 milliards déjà décidés pour cette année, sans que le parlement ne soit consulté.
Bruno Le Maire a beau se dire « ouvert », il y a pourtant des débats qu’il se refuse à avoir, fermant la porte à toute alternative à cette austérité que les Français paieront cher. C’est le cas sur le volet dépenses : si le modèle social est dans le viseur, les aides publiques aux entreprises attribuées pour la plupart sans contrepartie, qui représentent tout de même 190 milliards d’euros par an, sont largement épargnées. Sur le volet recettes, l’hôte de Bercy s’est aussi à nouveau dit, mardi, « opposé à toute augmentation d’impôt » en France. « On peut parfaitement faire des économies sur la dépense publique sans aller piocher dans les poches des Français et je reste totalement opposé à toute augmentation d’impôts sur nos compatriotes », a-t-il déclaré. Sous l’argument fallacieux de préserver le pouvoir d’achat, le ministre enterre ainsi toute possibilité de taxer davantage les profits des entreprises (153,6 milliards de bénéfices nets pour le CAC 40 en 2023) – à l’exception d’une hausse de la contribution sur la rente inframarginale des énergéticiens – ou les plus riches.
Pourtant, les Français sont plutôt favorables à une telle révision de la fiscalité, qu’ils estiment pour l’heure injuste à 75 %, selon un sondage ViaVoice pour Libération. S’ils sont 15 % à juger nécessaire de réduire les prélèvements pour tous les ménages, et la même proportion à considérer qu’ils devraient baisser uniquement pour les plus modestes, ils sont aussi respectivement 20 et 27 % à estimer qu’ils devraient augmenter pour les plus aisés et pour les entreprises qui font le plus de profits, selon une étude publiée mardi 26 mars. Une exigence de justice fiscale qui commence à trouver de l’écho jusque dans la majorité et qui pourrait commencer par des mesures d’urgence. 65 % des sondés jugent ainsi prioritaire une taxe temporaire sur les superprofits et 52 % un nouvel impôt sur la fortune. À bon entendeur…