Une foule compacte attendait, ce samedi 14 septembre, Judith Godrèche à l’Agora de la Fête de l’Humanité. Un peu plus tôt, l’actrice avait fait halte à l’espace Jack Ralite pour la projection de son film, « Moi aussi », et une rencontre d’une sororité poignante.
Un court-métrage, sélectionné au Festival de Cannes, comme une réponse aux milliers de témoignages reçus après qu’elle a dénoncé les violences subies dans son enfance et porter plainte contre les cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon, explique-t-elle à nouveau au public de l’Agora.
Et c’est tout un monde qui est à revoir de fond en comble. Non seulement pour protéger les femmes mais aussi changer radicalement les mentalités. « Je suis devenue actrice à huit ans, j’ai été connue très tôt. J’ai joué des jeunes filles, très jeune. Dans les scénarios inventés par ces cinéastes qui étaient la crème de la crème du cinéma, ces jeunes filles étaient désirées par des hommes bien plus âgés. Or, le cinéma influe sur nos désirs », estime Judith Godrèche qui se souvient aussi « de Béatrice Dalle dans 37°2 le matin, pulpeuse, voluptueuse, et de l’impact qu’elle a eu ».
« Dans l’écriture de ces auteurs, a été instillée l’idée que l’inceste, c’était normal »
Or, « la réalité n’a rien à voir avec l’image glamour qui surnageait ». Au contraire, « la réalité est sordide » : « Dans l’écriture de ces auteurs, a été instillée l’idée que l’inceste, c’était normal, que la différence d’âge n’était pas un problème. À l’époque, personne n’a réagi, ne s’est questionné sur ce discours ».
Loin de la moindre remise en cause dans cet univers, l’actrice raconte comment dès son plus jeune âge lui a été inculqué l’adage « soit belle et tais-toi ». « Pendant toute mon enfance, on m’a répété, ou fait comprendre : ” quand tu es belle, tu as ta place, tu existes ” », témoigne celle qui se demandait en conséquence « est ce que j’ai été assez souriante ? Est-ce que je lui ai fait assez de compliments sur son œuvre ? ».
Le signe de l’impact durable de « cette idée qu’il faut passer par le biais d’un homme pour exister », souligne-t-elle aujourd’hui. Pour preuve, « il y a deux ans, pour la promotion de ma série, je n’arrêtais pas d’avoir peur que les journalistes sortent le nom de mes agresseurs. Comme si cela avait été gravé en moi que je ne pouvais pas exister sans eux. Qu’il fallait que je reste souriante à tout prix », se livre-t-elle. Puis il y a eu la rupture, le pas décisif : « Aujourd’hui, je souris encore, mais je ne me tais plus ! »
Si elle s’en réjouit, elle raconte aussi les difficultés dressées devant elle comme devant toutes les autres : « quand on prend la parole publiquement, il y a de l’adversité », lance la cinéaste interrogée sur le retour de bâton qui frappe celles qui osent s’exprimer. « Par ailleurs, on n’en finit pas de demander aux autres de nous croire, ce n’est pas évident. On espère des ” je te crois ”, voire des ” je savais ”. Il y a un besoin de reconnaissance » alors que « si on dénonce, on peut vite être taxée d’être une emmerdeuse, une empêcheuse de tourner en rond ».
Et plus encore si « vous êtes une technicienne ». Alors il est plus que temps, martèle Judith Godrèche : « Il faut aujourd’hui mettre le pied dans la porte, pour que les choses changent. »
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