Avignon (Vaucluse), envoyée spéciale.
Ce vendredi 13, les plaidoiries de la défense vont prendre fin dans le procès Pelicot. Maître Zavarro, « l’avocat du diable », avait ouvert la séquence avec pondération, demandant simplement à la cour criminelle d’Avignon de « s’éloigner peut-être » des réquisitions appelant à condamner Dominique Pelicot à la peine maximale de vingt ans. À sa suite, pendant deux semaines, 36 avocats ont défilé avec emphase pour minimiser la responsabilité de leurs 49 clients dans les viols subis pendant neuf ans par Gisèle Pelicot, sédatée à son insu.
Les robes noires, renforçant leurs voix l’une après l’autre, se confondant en un unique rouleau compresseur face aux juges, ont critiqué tour à tour « le retentissement médiatique » de ce procès, son instrumentalisation par les féministes, fustigeant la notion de consentement, le rôle pas net de la victime… et diabolisant Dominique Pelicot le « chef d’orchestre », pour dédouaner plus facilement ses auxiliaires. Quelques rares avocates ont heureusement réussi à s’écarter de ces postures caricaturales, qu’on aurait aimé être « d’un autre âge », selon l’expression du ministère public qu’il aurait pu ici réitérer.
L’ignorance
Pour maître Caroline Beveraggi, « le chaos du hall des pas perdus » du tribunal ne peut aider à un jugement serein, trop peuplé de « touristes judiciaires » selon le conseil Philippe Kaboré. « Après la « Star Academy », c’est la cour criminelle academy ! » a osé leur consœur Carine Monzat, proposant ironiquement de faire voter le public. L’avocate ne semble pas regretter le choix d’une cour criminelle en lieu et place d’une cour d’assises où officierait un jury populaire.
« On est venu au spectacle, comme quand on va au zoo », a vitupéré Virgil Monzies. Un mépris du peuple auquel les accusés n’ont pas échappé. Jalil-Henri Amr évoque le « QI d’un vibromasseur » de son client. Pire, pour maître Patrick Gontard, ces 50 coaccusés représentent « la misère sociale : des ouvriers, un handicapé, deux ou trois fonctionnaires, un camionneur ». Mais qui ignore encore, en 2024, que les violences sexuelles touchent tous les milieux, sans exemption pour les élites intellectuelles. Un mépris de classe indécent qui ne constitue en rien une défense digne.
Dans la foulée de sa démonstration, la majorité réclame l’acquittement de leur client, traitant Dominique Pelicot de grand « manipulateur ». Virgil Monzies ose même la comparaison avec celui qui a « manipulé 80 millions de personnes : Adolf Hitler ». Pour Isabelle Crépin-Dehaene, c’est un « Minotaure » qui aurait besoin d’entraîner les autres dans sa chute car, « même dans sa prison, le Minotaure a besoin de dévorer ».
Ces accusés-là n’ont toujours pas compris ce qu’on leur reprochait, qu’ignorer l’état d’inconscience de leur victime faisait de leurs actes un viol. Comment s’étonner qu’après les réquisitions, la femme de l’un d’entre eux se retourne incrédule vers son avocat, Guillaume de Palma, car elle n’a pas compris la peine requise de treize ans.
« Vous m’aviez dit qu’on l’avait entendu ? » lui aurait lancé, stupéfaite, la compagne. Mais le rôle de celui-ci, au-delà de la plaidoirie, ne consiste-t-il pas aussi à accompagner son client, à lui faire réaliser ce qu’il risque, à le faire progresser, à réparer ?
Détourner le sujet sur le visionnage
Tous regrettent la diffusion imposée des vidéos, « qui ne nous renseignent pas beaucoup », assure Alexia Berard, preuves pourtant essentielles de ce procès. Mais ces « hyènes » de journalistes ont « hurlé » pour réclamer leur visionnage dans leur « curiosité malsaine et morbide : « On nous invite au festin en nous privant du plat de résistance ? » », déclame Virgil Monzies.
« Qui est violent ? » interroge sans cesse cet avocat. Les médias et « la bien-pensance » bien sûr, les féministes surtout, qui « prennent presque en otage » les accusés avec leurs collages, qui se comportent « comme les ultras du stade Vélodrome », pour Patrick Gontard, qui leur enjoint subtilement d’« aller faire un tour en Iran » !
Ton virulent, cris, arguments masculinistes, cette défense veut démolir sur son passage, continuant à s’en prendre à la sincérité de Gisèle Pelicot, après trois mois et demi de visionnage de scènes horribles et dégradantes où l’on entend celle-ci ronfler, et dont l’état d’épuisement psychique et physique a amplement été démontré.
On ironise sur « la contractualisation des relations humaines » qu’une nouvelle définition du viol pourrait entraîner. On ne veut pas d’un « procès de la société » tout en multipliant les allusions au législateur. On s’offusque de l’audience mondiale de cette affaire au lieu de s’en saisir comme une chance de progrès. L’ensemble des avocats de la défense a décidé de donner la dernière parole à Nadia El Bouroumi. C’est elle qui s’était illustrée sur TikTok en moquant Gisèle Pelicot.
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